> Mag > Arts > Johanna Perret, zone d’ombre magnétique
Elle peignait des montagnes ou les formes et les êtres qui y apparaissent. Une nouvelle série de tableaux, intitulée Zone d’ombre et exposée à la Maison forte de Hautetour à Saint-Gervais jusqu’au 25 juillet, prend pour sujet la forêt et poursuit un travail vertigineux sur la représentation.
La rencontre marquante avec la peinture de Johanna Perret lors de sa précédente exposition, Soluble, continue avec cette série qui s’inspire d’un fonds de contes locaux quasi gothiques et où le végétal est cette fois au premier plan.
Les huit tableaux, dont un triptyque, mettent en place le dispositif — le travail de l’œil — déjà observé dans les œuvres précédentes. D’abord : l’œil happé, englouti par la couleur — un noir presque uniforme, violent et qui paraît impénétrable — puis qui finit par discerner un motif, par le suivre, le circonscrire et tout-à-coup faire émerger une image. Comme si le tableau se dessinait sous nos yeux – ou comme si il nous apprenait à voir.
Avec un mimétisme saisissant, « Sarvan » et « Fayes », en particulier, reproduisent l’expérience de la forêt la nuit — seuil du rêve, angoisse palpable — tandis que le dépouillement extrême de « Haute chasse sauvage » évoque la peinture zen.
À ces peintures nocturnes font pendant « Alpis rosae » et « Locus amoenus », des fleurs qu’une lumière d’aube rend comme translucides et où objet représenté, perception de la lumière et émotion pure sont plus que jamais indissociables.
Dans ces peintures, la figuration tient une place ténue, fragile, mais absolument centrale. Parce qu’elle est précaire et constamment menacée d’effacement, elle prend la figure de la trace — c’est-à-dire le signe de ce qui est passé là mais qui n’est plus, de ce que nous ne connaîtrons jamais que par l’empreinte laissée. C’est ce statut qui donne aux tableaux leur puissance, leur pouvoir de déchirer le rideau, de découvrir de manière béante des mondes d’ordinaire cachés et leur confère une aura magnétique, quasi surnaturelle.
Nourrie de questionnements sur les origines et les moyens de la représentation, Johanna Perret est une artiste qui mène une quête. Sa peinture, qui relève d’une sorte d’anthropologie poétique du regard, a une capacité unique de résonner dans les strates profondes de la psyché et d’interroger notre identité et notre responsabilité de façon durable et entêtante.
Zone d’ombre est un hommage à la forêt autant qu’à l’univers fantasmagorique qu’elle engendre. Les grands arbres hiératiques des territoires montagneux résonnent dans l’imaginaire des sociétés humaines, et c’est ainsi que du faste de cette nature grandiose, naissent les contes et les légendes ; propices aux divagations autant qu’à l’introspection.
Puisant dans les mythes et les légendes de la vallée, elle créée des peintures au sein desquelles les visiteurs sont invités à plonger.
Fermé le lundi.
Mardi, samedi et dimanche de 14h à 18h
Mercredi, jeudi, vendredi de 10h à 12h30 et de 14h à 18h.
des jauges sont en vigueur au musée. réservation de créneau en ligne ou au 04 50 47 79 80.
Adulte : 5 €, Enfant : 3,50 €, Etudiant : 3,50 €.