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La Poudre aux yeux : la résistance climatique documentée

samedi 2 septembre 2023 par Tom Rad-Yaute rédaction CC by-nc-sa

Chronique

Le long-métrage documentaire de Rémy Servais dresse un portrait instructif et sensible de mouvements citoyens de résistance à des projets d’aménagement en Haute-Savoie, mais il se heurte à l’indifférence des institutions et rencontre des difficultés à être diffusé convenablement.

photo Rémy Servais

Vélodrome à la Roche-sur-Foron, retenues collinaires à la station d’Hirmentaz-Bellevaux, au plateau de Beauregard et ailleurs, station de ski nordique sur le plateau de Cenise : autant de projets d’aménagement du territoire en Haute-Savoie, autant de mouvements de résistance tenaces de citoyens et d’associations, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique et d’autres choix politiques possibles. C’est ce phénomène, rendu incontournable par la multiplication des cas, qu’ausculte le documentaire La Poudre aux yeux du réalisateur Haut-Savoyard Rémy Servais, dans le sillage de Sur un plateau d’argent, son précédent film sur le même plateau de Cenise.

Le film va donc d’abord sur les lieux, à la rencontre des opposants, membres de collectifs et d’associations, et les suit lors de manifestations, happenings, rassemblements. Ils évoquent la course contre la montre pour agir avant que les projets ne soient trop avancés et pointent la difficulté d’accéder aux informations nécessaires pour se faire une opinion. Comme une musique lancinante, l’idée revient d’une faille dans le processus de décision démocratique qui empêche la participation citoyenne éclairée. La ZAD prend alors parfois le relais de l’interpellation aux élus et de l’action en justice. Ingrid, étudiante et jeune occupante du bois de la Clusaz, a des paroles très fortes : « Si on en vient à occuper ce bois de manière illégale, c’est parce que la démocratie dysfonctionne complètement et que la mairie ment à ses habitantes et ses habitants en disant que ça va servir à de l’eau potable (…) On va s’en servir pour alimenter des canons à neige pour que les ultra-riches aient de la neige à Noël et qu’on réponde aux standards de l’immobilier de luxe qui est en train d’être construit partout dans la région et sur la commune. » Ça a le mérite d’être clair.



photos Rémy Servais

En face, le point de vue opposé est relativement peu représenté car, à part l’intervention rapide du député Antoine Armand et celle, méritante mais prudente, de Patrick Ducimetière, maire de la Roche-sur-Foron, les élus concernés ont tous décliné l’invitation. Ce silence créé un vide dans le film et entre étrangement en résonance avec le déficit démocratique évoqué plus haut.

Malgré son sujet épineux, le film surprend par son rythme plutôt lent, contemplatif, scandé par des prises de vues somptueuses des paysages alpins, comme des respirations. Lorsqu’il donne la parole, il prend pleinement le temps de le faire et les propos exprimés sont ainsi très clairs, les idées et les arguments formulés précisément. À l’exact opposé du style complotiste, le film présente des thèses, des combats, montre des visages et des engagements, mais toujours il laisse le spectateur libre, de penser et de ressentir. Destiné au public le plus large possible, La Poudre aux yeux est un film propre à susciter un vrai débat. Il doit être vu.

    Voir et soutenir la poudre aux yeux

    Le film peut être visionné librement sur la plateforme Vimeo en suivant ce lien. Il existe d’autre part une campagne de financement : elle a atteint ses objectifs pour le film mais reste ouverte pour financer les prochains projets de Rémy Servais.






    La Poudre aux yeux déprogrammé



    Prévue le 6 octobre au cinéma le Parc, la projection de La Poudre aux yeux vient d’être annulée par le conseil d’administration de la MJC de la Roche-sur-Foron, dont dépend le cinéma. Auto-censure ? Crainte des réactions éventuelles des partenaires de la MJC : la mairie et le Conseil départemental ? Cette annulation — d’autant moins compréhensible que le maire de la ville apparaît dans le film — fait suite aux refus de plusieurs structures de montrer le film et montre bien la difficulté à faire exister concrètement le débat démocratique. En attendant, l’équipe cherche un nouveau lieu pour que la projection ait bien lieu et on peut écrire au CA de la MJC et à la mairie pour réagir à cette déprogrammation.

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