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Le mandat délibératif

jeudi 9 juin 2022 par Jean-Pierre Biskup rédaction CC by-nc-sa

Billet

Comment réconcilier le peuple avec la politique ? Comment rendre la démocratie vraiment participative ?
Il n’échappe à personne qu’on vit une crise de confiance en la politique depuis des années. Il est temps de trouver de nouvelles formes de participation du peuple à la politique, le mandat délibératif peut en être un exemple.

Un constat de crise de confiance en la politique et la démocratie

La politique, dans son véritable sens, est essentielle car elle permet l’organisation de la société.

Cependant, il y a une vraie crise dans la politique : développement de l’abstention ou du vote par défaut, absence de lien entre représentants politiques et les gens qu’ils sont censés représenter, pas de participation des citoyens à la construction des lois, pas de participation continue des citoyens à la vie politique, pouvoir de décision laissé à quelques politiciens seulement, les partis pensent d’abord à leurs intérêts avant de penser à l’intérêt général, les politiciens sont de plus en plus déconnectés de la vie quotidienne réelle des citoyennes et citoyens, etc...

Le constat est donc là : la démocratie et la politique telles que nous les connaissons aujourd’hui sont en crise et à bout de souffle, il convient de trouver des solutions nouvelles pour recréer un lien de confiance entre peuple et élus.

Les limites et l’échec du mandat représentatif qui est utilisé actuellement

Le système politique actuel est basé sur l’idée du régime représentatif qui se manifeste par la mise en place du mandat représentatif. Celui-ci est une forme de mandat politique qui est général, libre et non révocable. Le représentant peut agir dans tous les domaines à sa guise car il n’est pas tenu de respecter les engagements qu’il aurait éventuellement pris devant ses mandants. Le mandat représentatif s’oppose au mandat impératif.

Le mandat représentatif est une des causes de la crise de la politique car les hommes et femmes politiques censés représenter le peuple sont déconnectés de celui-ci et peuvent prendre des décisions indépendamment de la volonté du peuple, sans respecter les promesses des programmes qui les ont fait élire, et sans avoir de sanctions véritables, si ce n’est éventuellement la non-réélection à la prochaine échéance électorale.

L’illusion et les limites du mandat impératif

Le mandat impératif est une forme de mandat politique, dans lequel le pouvoir est délégué à une organisation ou un individu élu en vue de mener une action définie dans la durée et dans la tâche, selon des modalités précises auxquelles il ne peut déroger. Il est lié à la forme de démocratie directe.

Le mandat impératif ne peut pas être absolu à cause de l’incertitude des objectifs et de l’environnement du mandataire. Il y a quand même une nécessité de liberté pour le mandataire, mais dans le cadre du mandat impératif, celle-ci peut être réduite ou disparaître. De plus, le régime de démocratie directe au sens strict paraît illusoire à mettre en place dans des sociétés à population nombreuse.

La proposition d’une nouvelle voie plus équilibrée et participative : le mandat délibératif

Le mandat délibératif quant à lui est comme une autre voie en matière de mandat politique. Il est lié à la forme de la démocratie continue qui considère que la démocratie doit s’exercer en continu dans le temps, et non pas ponctuellement au moment des élections.

Je vais citer Dominique Rousseau, spécialiste en droit constitutionnel : « dans la forme continue, le rôle du député, le rôle du représentant n’est pas de vouloir pour la nation, le rôle du représentant est de faire discuter les électeurs de sa circonscription et de les faire délibérer pour ensuite porter à l’Assemblée nationale, les différents arguments qui ont été avancés sur telle ou telle proposition de loi. »

Le mandat délibératif : un outil pouvant être utilisé concrètement dès maintenant

Le mandat délibératif permet d’associer les citoyennes et citoyens à la fabrique des lois, aux décisions qui les concernent.

Dans le cadre des élections législatives, il existe une proposition de créer à Paris la première assemblée locale délibérative de France. Quitterie de Villepin (coordinatrice d’un master en communication publique et politique, intervenante en innovations civiques et démocratiques) est à l’origine de cette proposition faite indépendamment des partis politiques. Cette assemblée réunira mensuellement habitantes et habitants pour délibérer ensemble sur les lois, et par leurs travaux communs, les améliorer. Les textes fondateurs qui serviront de boussole sont : l’Accord de Paris sur le Climat et les 17 objectifs de développement durable des Nations Unies. Ces engagements pris par la France doivent être mis en œuvre car ils permettent de répondre vraiment à l’intérêt général que ce soit au niveau local, national, ou international, et cela en dépassant les partis politiques, dans un souci d’indépendance et de transparence.

De telles initiatives sont à saluer et encourager, car elles permettent de redonner un nouveau souffle à la démocratie et de revenir au sens noble et premier de la politique.

(La photo utilisée comme logo d’article est de Mélanie Paris dans le cadre de son travail sur le parcours du collectif « Investies »)

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