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Montrer patte blanche

mercredi 2 avril 2014 par Thierry Saint-Solieux rédaction CC by-nc-sa

Pas évident de faire admettre un tableau dans les collections d’un musée, surtout quand il s’agit du musée du Louvre !

La procédure à suivre se trouve détaillée à la fin du dernier album d’Etienne Davodeau, « Le chien qui louche », et elle requiert les compétences de conservateurs, d’experts et de quelques autres personnes sollicitées pour donner leur avis éclairé.

On imagine bien que cette voie officielle n’offre aucune chance à ce qui n’est pas au minimum un chef-d’œuvre ! Fabien, agent de surveillance affecté au Louvre, a beau l’expliquer en détails aux frangins de sa copine Mathilde, rien n’y fait : pour Maxime et Joseph Benion, remarquables vendeurs de meubles mais piètres connaisseurs de la chose artistique, « Le chien qui louche » a sa place au Louvre.

Cette croûte exécutée par l’aïeul Gustave moisit dans le grenier de la maison de famille depuis des lustres, mais si Fabien veut faire partie de la très respectable famille Benion, le tableau doit rentrer au Louvre d’une façon ou d’une autre. Bien embêté, le pauvre garçon se voit heureusement proposer de l’aide par la République Secrète du Louvre, un mystérieux groupe qui prétend diriger officieusement le musée...

Dernière étape en date dans ce remarquable projet qui consiste à rapprocher le monde de la bande dessinée et celui du musée, Le chien qui louche est une fantaisie tendre et cocasse. Il n’y a jamais de mépris dans le regard porté sur les frères Benion, énergumènes plutôt sympathiques qui font les zouaves pour masquer leur embarras vis-à-vis de cette culture officielle un peu excluante.


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Ils sont finalement à l’image des touristes s’entassant par milliers chaque jour dans le Louvre, ces visiteurs qui sont attirés par le prestige de l’institution mais perturbés par cette beauté accumulée, et qui prennent des tonnes de photos en oubliant de vraiment regarder ce qu’ils ont sous les yeux.

Davodeau, s’il est émerveillé par les collections incomparables de ce musée hors du commun et profondément respectueux des génies qui s’y expriment, donne au passage un joli coup de chapeau aux peintres du dimanche et aux vrais amateurs d’art, discrets mais sincères. Il réhabilite également, par le biais de son personnage principal, l’agent de surveillance dont le statut n’est guère valorisant alors qu’il est cultivé et que son métier est tout sauf facile.

Il doit, entre autres, faire respecter les règles de sécurité, prévenir les incivilités et empêcher les vols à la tire, mais sans intervenir à la place de la police. Et surtout, renseigner le visiteur sur l’emplacement de telle ou telle oeuvre : le gag à répétition concernant la "Joconde" est, paraît-il, très en dessous de la réalité !

La foule, la ville, les ornements des bâtiments abritant ce musée gigantesque sont autant de défis à relever pour un dessinateur plus habitué ces dernières années à représenter la campagne, que ce soit dans « les Ignorants » ou dans « Rural » .

Le choix du noir et blanc évite l’effet de copie maladroite qui menace toujours lorsque l’on reproduit un tableau connu, et donne une grande élégance aux statues, avec une mention spéciale pour « la Victoire de Samothrace ».

Le malicieux Davodeau, qui adore dessiner les foules, prend un évident plaisir à singulariser tel ou tel touriste avec un petit détail expressif qui fait toujours mouche. Le chien qui louche est une déambulation nonchalante, qui digresse pour le plaisir de faire un bon mot ou d’illustrer une péripétie improbable et rigolote.

Comme Les ignorants, ce livre est placé sous le signe du plaisir !!!

<cite|livre|titre=Le chien qui louche
|auteurs=Étienne Davodeau
|editeur=Futoropolis
|annee=2013
|pages=144
|isbn=9782754808538
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Billet initalement publié sur Actualitté

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Ex-libris publié par BédéFugue/Futuropolis

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