Musique d’abattoir pour un charmant café

Depuis 16 ans, Le Brin de Zinc situé à Barberaz propose une programmation de plusieurs concerts par semaine avec des esthétiques très variées et a vu passer près de 5000 artistes de tous horizons. C’est donc l’endroit idéal pour passer une bonne soirée entre une salle et une terrasse pour tchatcher avec tes potes et copines et écouter de la « musique hors-piste ». Bref, devenir adhérent du Brin de Zinc et de Radiation est devenu une nécessité citoyenne pour soutenir des gens de passion et une scène indépendante savoyarde, nationale et internationale.

Magrava

Nous commençons cette longue soirée du vendredi 2 juin dans une étrange ambiance d’éclairage rouge avec le groupe Magrava, duo bruitiste guitare-batterie emmené par Cyril Meysson et Rodolphe Loubatière, basé entre Saint-Etienne et Genève. Leur musique est une effluve incessante d’acid rock dont les gouttes tombent sur des plaques de cuivre. Le travail « dronien » et étiré du délassement du guitariste sur ses cordes me fait penser immédiatement aux expériences sonores de Ellen Fullman et ses installations avec son long string instrument. Il y a de fortes tensions fréquentielles dans la musique de Magrava et en même temps la résonance de la batterie est simple, presque brute, notamment par le jeu basique des cymbales, un refus, seul puis multiple. Les morceaux sont longs avec l’idée, semble-t-il ,de rester en mode continu comme « paraître un » avec une déconstruction qui ne passe par les habituels crescendos et descendos mais partirait d’un silence unique : le chaos. L’esprit de leur composition instrumentale est une improvisation mouvante, répétitive qui semble être enregistrée par l’écoute, le morceau « S’inverser entre soi » est un bon exemple. Bien que Magrava n’ait pas de signification précise, c’est un nom qui sonne juste bien, j’aime bien imaginer l’image d’une accumulation de gravats ou celle d’un bâtiment qui s’écroule dont les pierres alimenteraient une source comme un feed-back bancal et imaginaire, « La distension propre aux effondrements » en quelque sorte. Leur dernier album CD vient de sortir chez WV Sorcerer productions et mérite d’être écouté lors du prochain repas de famille avec un Braulio en boucle au moment du dessert.

Viande

Démasqués, les membres de Viande se rassemblent sur la scène pour ajuster leur accordage… puis, une fois prêts, font un aller-retour éclair dans leur loge et reviennent masqués de sacs de jute sur la tête. Viande est un groupe de death metal qui livre une musique inspirée d’une ambiance noise, indus et expérimentale. Normalement, ça devrait être une ambiance gore et difforme, leurs déguisements nous font d’ailleurs penser au film « Elephant Man » de Lynch qui lui aussi aimait mettre en avant la face sombre de l’être humain, mais comme on a vu leurs têtes au début du concert, évidemment, ça marche moins bien ! Néanmoins, si, depuis la salle, on n’entrevoit pas toujours l’abîme qui dévore les âmes, la musique de Viande quoique souvent « hachée menue » reste efficace et on passe un bon moment entre intérieur et extérieur. Comme disait mon boucher : « attention à ce que la barbaque ne reste pas collée au mur ! »

« Je ne suis pas un animal ! Je suis un être humain ! Je suis un homme ! » — réplique culte de John Merrick, elephant man, face à la horde ne supportant pas sa différence et qui veut le lyncher.

Sister iodine

Et puis, il y avait aussi pour terminer les légendaires et magnifiques Sœur Iodine, un trio qui venait avec une immense référence culte parisienne ! Mais dès les premières notes nous étions déjà partis depuis longtemps avec les amis du brillant compositeur Olivier Falcou sur la terrasse pour déguster tranquillement plusieurs bières que nous proposait le Brin de Zinc, dont l’excellente IPA signé Furax comme Fantomas. Un grand merci encore à l’organisateur Alex Degrgue qui est un des rares artistes à se dépenser pour nous faire découvrir une musique certes difficile à écouter mais qui mérite d’ouvrir nos oreilles à une écoute différente de notre environnement… bruitiste !