Nena, Zusammen Tour aux Docks

Je suis Français, j’ai étudié l’Allemand 2 ans au collège, ce n’est pas assez pour le parler ni pour le comprendre... En ’84, j’étais ado. Un jour, j’errais sans but au rayon Hi-Fi de la FNAC, le 1^er album du groupe NENA jouait en entier, je n’ai pu partir avant la fin, complètement envouté, tellement l’Allemand, au son de sa voix, m’a paru beau…
J’ai connu l’asphyxie durant des mois à attendre que quelqu’un puisse me ramener leurs disques d’Allemagne, l’un après l’autre, à une époque ou il n’y avait ni internet, ni CD, et qu’on ne les trouvait pas en rayon. Et la dépendance à mesure que je recevais les posters que des correspondantes alsaciennes voulaient bien me revendre...

NENA, c’était 5 musicos de talent en parfaite symbiose : Carlo, Jürgen, Uwe, Rolf & Gabriele (alias Nena), et 4 années flamboyantes de ’83 à ’86, au cours desquelles ils ont sorti 4 albums magistraux [1], joué en live aux 4 coins du monde, cumulé les disques d’or avec des tubes comme : « Nur geträumt », « Ganz oben », « Kino », « Leuchtturm », « Rette mich », «  ? (Fragezeichen) », « Lass mich dein Pirat sein », « Haus der drei Sonnen », « Jung wie du », « Irgend-wie/-wo/-wann », « Feuer und Flamme », « Du kennst die Liebe nicht », « Engel der Nacht », « Mondsong », « Tokyo »... et au terme desquelles, hélas, le groupe, à bout de nerfs, se sépare...

Fin ’89, après une parenthèse cinématographique, Nena opère humblement son retour à la chanson en solo. C’est la naissance délicate de son 1^er fils Christopher, né avec un handicap début ’88, qui lui inspire son 1^er titre alors qu’elle est encore en clinique : « Wunder Gescheh’n » (littéralement « les miracles arrivent »). Le titre sort sur les ondes allemandes début Novembre ’89, quelques jours avant la chute du mur de Berlin, dont il devient rapidement l’hymne…

D’autres titres suivront, écrits alors qu’enceinte de Sakias & Larissa (ses faux-jumeaux qui l’accompagnent partout sur scène aujourd’hui), qui imprimeront son nouveau style, plus modeste, plus doux, parfois enfantin… Et ce ne sont pas moins de cinq albums [2] finalement qui sortiront sur ce mode, alternant espiègleries, balades, rock & roll et chansons douces : « Du bist überall », « Weisses Schiff », « Im Rausch der Liebe », « Manchmal ist ein Tag ein ganzes Leben », « Ohne Ende », « Ich halt dich fest », « Hol’ mich zurück », « Viel zuviel Glück », « Ganz gelassen... », « Alles was du willst », « Es gibt so viele möglichkeiten », « Amerika », « Was hast du in meinem Traum gemacht ».
Sans pour autant rivaliser avec ceux du groupe NENA, ceux-ci confirmeront son sens certain de l’écriture musicale, sa créativité, sa fantaisie, et lui conserveront sa popularité auprès d’un public de tous âges en Allemagne.
À noter que dans le même temps, elle sortira autant d’albums de chants et contes pour enfants, fondera une nouvelle école pour une éducation différente, plus à l’écoute de l’enfant (genre Sudbury), commencera à prêter sa voix à des personnages de dessins animés et/ou à en interpréter les chansons : « Das Lied dieser Welt », « Ich umarm die ganze Welt »

2002, 20^e anniversaire de son 1^er tube, est partout citée comme l’année de son retour au sommet des charts avec l’album Nena feat. Nena [3], re-écriture de la plupart de ses premiers succès, dont un « Nur geträumt 2002 » déchainé, un « 99 Luftballons 2002 » méconnaissable, un « Leuchtturm 2002 » enrichi, un « Wunder Gesheh’n 2002 » magnifié, et un duo sublime avec Kim Wilde sur « Any-place/-where/-time », version anglaise remaniée de « Irgend-wie/-wo/-wann ». C’est pourtant l’année d’avant qu’aidée de Florian Sitzmann, Nena opéra son virage musical, surfant sur la vague electro / trip hop, avec l’incontournable album Chokmah dont on retiendra entre autres : « Carpe Diem », « Heute hab’ ich die Sonne mit der Mond verwechselt », « Lass die Leinen loss », « Lichtarbeiter », « Silbermond »

Forte de cette expérience réussie et de son regain de popularité, Nena va multiplier les collaborations avec d’autres artistes de tous styles : « Schade (feat. Sam Ragga Band) », « Bang Bang (feat. Tok Tok) », « Caravan of Love (feat. Duncan Townsend) », « Oldschool Baby (feat. Westbam) », « Strobo Pop (feat. Die Atzen) », « Be my rebel (feat. Dave Stwewart) », composer « Liebe ist », générique pour une série télé, interpréter des reprises pour la BO de films : « Ich kann nix dafür (feat. Olli & Remmler) », « L.O.V.E. (feat. The BossHoss) », sortir deux double-albums [4] incluants « Willst du mit mir geh’n », « Lass mich », « Der Anfang », « Mach die Augen auf », « Immer noch hier » — dont l’album Cover me essentiellement composé de reprises de titres célèbres, dont « Ich werde dich lieben » de Marlene Dietrich…

NENA | Nur geträumt (Live 2010)

2010, Nouveau retour en force avec Made in Germany [5], et la sortie en DVD du live du même nom, un concert sensationnel pour les 50 ans de la star, véritable concentré de pépites comme « Du bist so gut für mich », « Ich bin hyperaktiv », « Geheimnis », « Wir sind wahr », « In meinem Leben », « Schmerzen », « Ganz viel zeit », « Nachts wenn es warm ist », consacrant définitivement Nena comme la plus grande — du moins à mes oreilles et à mes yeux : c’est en effet après avoir visionné ce live que je me suis résolu à franchir le pas, franchir le Rhin, et aller la voir en concert à Berlin en Novembre 2015, soit plus de 30 ans après avoir eu la révélation de son immense talent. Me remettrai-je un jour de ne pas l’avoir fait plus tôt…

« In meinem Leben », live à Berlin le 6/11/2015 (capture privée)

Entretemps, ce ne sont pas un, mais deux albums de Nena qui étaient sortis : Du bist gut [6] en 2012, dans la même veine que le précédent, plus doux, avec notamment : « Das ist nicht alles », « Besser geht’s nicht », « Goldene Zeit Goldenes Land » et Oldschool [7] en 2015, nouveau tour de force, avec des titres comme : « Lieder von früher », « Berufsjugendlich », « Genau jetzt », « Magie », « Kreis », « PI », « Peter Pan », « Bruder ». L’album fut produit par Samy Deluxe, géant du rap outre Rhin, un style auquel elle s’essaya avec brio sur « Oldschool » en ouverture, narguant tous ceux qui l’avaient un peu trop rapidement rangée parmi les antiquités…

NENA | Oldschool [2015]

Le dernier album de Nena, sorti en 2020, s’intitule Licht [8]. À nouveau plus doux, plus serein, avec des titres lumineux comme « Licht », « Zurück in die Zukunft », « Wandern », « Karawane », « Zimmer », « Alles neu » il ne saurait être le der des ders, au contraire : depuis Chokmah, Nena semble prendre plaisir à surprendre par sa capacité à rebondir en surfant sur les vagues, alternant les albums fanfares et les albums zen. Elle ne s’arrêtera jamais, elle est intarissable, c’est une bête de scène, débordante d’énergie, avec un relationnel formidable avec son public, constamment en tournée à travers toute l’Allemagne jusque dans ses moindres recoins, et parfois au delà, comme en Autriche, Hollande, Suisse…

Il m’arrive de rêver qu’elle descende un jour se produire dans mon recoin perdu du Sud-Est de la France... Un jour, peut-être ? Qui sait ? Elle ignore ou j’habite, qui je suis, ce que je fais, qui j’embrasse... « aber trotzdem gehören wir zusammen, wir gehören zusammen, ich weiss wir gehören zusammen » …

Wir gehören zusammen, le 6 septembre aux Docks à Lausanne... Pour rien au monde je ne manquerais ca.