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Voici – enfin – le premier disque de Nurse. Uniquement en CD pour l’instant, pour la version vinyle il va falloir patienter encore un peu. Premier disque et premier long-format de neuf titres. Chez Nurse, on fait pas semblant. On aime se jeter tête baissée dans la bagarre. Il faut dire aussi que les quatre haut-savoyards auront mis un certain temps pour en arriver là - cinq ans, pour être précis. Mais c’est peut-être le temps qu’il faut, pour faire un groupe.
Passée l’intro - sorte de mise en jambes gonflée à bloc sur deux accords -, c’est « Salty river » - nouveau nom de ce qui a longtemps été le seul enregistrement disponible de Nurse - qui procure habilement une sensation de reconnaissance et une émotion lancinante étreint l’auditeur, qui ne le quittera pas jusqu’à la fin du disque.
Le 17 mars, au Poulpe, le public était plutôt stoïque, mais attentif, c’est déjà ça. Et il s’est encore densifié pour le début du concert des Nurse, qui fêtaient la sortie de leur premier album. Qu’on pouvait se procurer en CD ce soir-là, pour la version vinyle va falloir attendre encore un peu.
Pop sensible et ciselée ? Post-hardcore furieux et explosif ? Qui sait ? Nurse trace sa ligne entre émotions contradictoires. Corde raide tendue au-dessus des à-pics.
Sur la scène du Poulpe 2.0 - qui, d’ailleurs, vient du Macumba, si, si – , avec un son peut-être un peu moins naturel que lorsqu’il sort directement des amplis, on retrouve ces morceaux qu’au fil des concerts on a appris à connaître presque par coeur. Qu’on devine composés à l’instinct. Taillés pour la scène.
Quelles que soient les conditions, le lieu et l’heure, le groupe carbure toujours à l’énergie explosive, la transe dans le feu de l’action, la purification par les flammes. Prêts à tout pour faire vivre l’instant. Quitte à se retrouver lui-aussi sur les rotules à la fin du concert. Certainement une des expériences les plus intenses de la scène locale.
Chacun des morceaux a sa façon de décliner le post-hardcore explosif du groupe travaillé d’aspirations pop - à moins que ce soit l’inverse - sa propre mécanique fluide, sa manière de travailler la tension, de l’exacerber à petit feu ou au contraire d’ouvrir ou refermer brutalement les vannes. Noise chaotique laissant place à une rythmique rock parfaite ici (« I should know »), arpèges arc-boutés sur leur dissonance jusqu’à la rupture là (« Before the ship flows »...). Et derrière un nom imbuvable - « They should tell us that we have to drive us back home » -, un des titres les plus échevelés, les plus pop du disque - de ces morceaux que tu te remets immédiatement une fois terminé parce que tu viens de te prendre dans les oreilles quelque chose qui arrive très rarement et que tu as trouvé beau.
Et pour arriver à me faire préférer un de leurs morceaux les plus pop, c’est vraiment que ce groupe doit être dans le vrai quelque part. Le chant constamment en première ligne. Un chant emo magnifique de gosse qui gueulerait à tue-tête ses mélodies d’espoir, de défiance et de dépit. Les lignes appuyées de la guitare, qui jouent presque à égalité avec la voix, quand elles ne viennent pas brouiller les pistes, pousser au vice et au déséquilibre. Le duo basse batterie joue une partition peut-être moins flamboyante mais pas moins efficace, loin de là.
Pression constante, tout en ayant l’art de jamais trop en faire, toujours sur l’action quand il faut.
Le son colle au plus près de l’énergie impétueuse du groupe, réussit à capter sa folie (la voix gueulée hors micro de « Pixies »), à épouser de manière ingénieuse ses moments chaotiques autant que les passages plus intimistes - avec un tel naturel qu’il est forcément le résultat d’un travail minutieux acharné.
En vérité, je ne saurais pas dire si l’album de Nurse est un grand disque de rock - c’est pas impossible - mais c’est en tous cas un putain de disque chérissable de bout en bout, jusque dans ses imperfections, et, tout comme celui de Nevraska, une pierre angulaire de la scène que j’apprécie et que je soutiens.
Articles précédemment publiés séparement sur le blog Rad-Yaute