> Mag > Musique > Piers Faccini, un guérisseur au Podium de Poisy
Ceci n’est pas un concert, mais une cérémonie, un rituel de guérison pratiqué par Piers Faccini et son quartet. Dans la toute récente salle du Podium à Poisy, la pénombre règne jusque sur la scène où l’on distingue à peine les musiciens : une excellente manière de laisser toute la place à la musique et aux gestes de ceux qui la créent.
Des claquements de doigts, quelques notes de guitare et la voix de Piers Faccini qui entame doucement « They Will Gather No Seed », le magnifique lamento qui ouvre son dernière album, Shape of the Fall, accompagné par le violoncelle de Juliette Serrad : il n’en faut pas plus pour être happé par les vibrations et l’émotion qui ne nous lâcheront plus.
C’est le point de départ du rituel : on regarde le mal en face, l’épuisement des ressources de la planète pillées par les hommes et leur course mortifère au toujours plus, et on lance l’appel destiné à rassembler les forces nécessaires pour lutter contre la catastrophe annoncée (« bring me my home back » répété comme un mantra à la fin).
Avec « Dunya », le guembri de Malik Ziad, des arabesques vocales épurées et le rythme lancinant soutenu par Simone Prattico, c’est la transe poétique qui commence, comme une première invocation venue du fond des âges et des traditions musicales du Maghreb.
Elle se poursuivra en spirale ascendante d’un morceau à l’autre pour, comme l’explique Piers, « se reconnecter avec le vivant, sentir une onde positive, un espoir » à travers des modes et rythmes inspirés des musiques traditionnelles et « liés à la guérison, à la lumière » : de « All Aboard », où le call and response des spirituals retrouve ses origines africaines pour revisiter le mythe de l’arche de Noé, à la transe hypnotique berbère de « Firefly » en passant par « Foghorn Calling », blues malien et gnawa (jusqu’au traditionnel « Baba Hamou » qui s’invite au milieu d’un morceau !) s’allient aux musiques traditionnelles du sud de l’Italie (« The Beggar and the Thief ») pour appeler à l’action solidaire.
Au fur et à mesure que s’égrennent les morceaux, la lumière se fait plus présente pour éclairer les musiciens, jusqu’à ce que « The Damned and the Saved », sorti en début d’année en bonus de l’album, vienne conclure en beauté ce rituel en associant au guembri des percussions de la tradition réunionnaise : « on célèbre la vie en réalisant que les formes du vivant sont en péril », avant qu’en rappel la folk méditative de « Together Forever Everywhere » achève avec une grâce infinie le processus de transition vers l’espoir.
La voix profonde et tout en délicatesse de Piers Faccini, la poésie de ses textes et la magie sa musique métissée ont, une fois de plus, touché au coeur, laissant le public dans un état de bienveillance et d’apesanteur qui perdurera bien après que l’on ait quitté le Podium — à regret.