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Post-rock from outer space

lundi 1er juin 2015 par Pierre-Marie Chaffotte rédaction CC by-nc-sa

Compte-rendu

Le Brise-Glace a proposé, ce mardi 28 avril, une soirée sous l’enseigne du post-rock. Avec deux groupes aux noms à rallonge, dont la sémantique est, à elle seule, tout un programme et qui annoncent la couleur : ce sera long, complexe et joueur…

Post-Rock. Cet étrange sous-genre du rock où se retrouvent côte à côte les amoureux nostalgiques des envolées du rock prog’ de King Crimson, du psychédélisme floydien ( voire même du Velvet), retrouvant les émotions de leurs 70’s passées mais également des auditeurs plus jeunes, cherchant dans ces montées interminables, un temps, des ascensions, et une lenteur, que l’on pourrait croire perdus.
Cet abandon est malheureusement souvent justifié par l’efficacité technique selon la norme des 3 minutes de morceaux rock bien structurés, bien « en règle », diktat imposé pour faire désormais moins de 10Mo par MP3, ou 3 minutes par morceaux radio…

Le Brise Glace nous permettait donc de se prendre une bonne dose des envolées musicales interminables et des univers léchés de The Beauty the World makes us hope for, groupe local ouvrant brillamment pour une des références du genre , God is an Astronaut .

Allumage

Un mot tout d’abord sur TBTWMUHF [1] qui mérite bien l’honneur qui leur a été fait d’ouvrir pour ce groupe international.

Une mise en place chirurgicale, au service d’ascensions longues et prenantes qui arrivent à faire oublier le travail de réflexion sur la composition pure et les strates de guitares.

Des morceaux sans barrières, flirtants avec les 10 minutes, tout en retenue, puis en explosion, se refermant sur de longues plages ambiancées, où les guitares se font moins stridentes, plus binaires, le tout s’apaisant sur des images abstraites en arrère-plan, parfaitement en cohérence avec les émotions qu’ils peuvent susciter. Delay et grosse Reverb activés, l’arme fatale du guitariste de post-Rock.

Le tout, il faut le souligner, servi par un son en façade excellent…faisant ressortir la puissance de la basse, le travail des guitares, et la moindre variation de puissance de caisse claire.

Bref, TBTWMUHF tient sa patte, son concept. Le plus dur est fait pour eux, avec un très bon accueil du public annécien venu en masse, et nul doute qu’un bel avenir leur est promis.


Mise en orbite

Les 4 irlandais de God is an Astronaut empruntent au mouvement Post Rock certains « codes » du genre comme les boucles progressives de guitares façon Mogwai, ajoutant à chaque tourne un détail, une variation, un accident mélodique qui propulse l’auditeur vers des explosions de sons torturés…

Assez éloignés, à mon sens de Sigur Ros, ils leur empruntent néanmoins une voix modifiée, torturée, des boucles éléctros, qui se fondent dans le thème de leur musique. Leur son sur l’album étant assez feutré, je m’interrogeais sur le rendu de leur album sur scène…

Tout d’abord l’entrée des 4 musiciens très détendus, au non-style vestimentaire affirmé et relaxant, empruntant plus au punk, qu’au noir sobre et classieux habituel des groupes de ce genre donnait le ton…l’esprit rock allait prendre le pas sur le côté proprese dégageant des albums…mais je ne m’attendais personnellement pas à ce qui a suivi.

Dès les premières notes de piano de « Reverse World », de l’album Age of the Fitfh sun (tout un programme spatial…) on sent que les quatre ont des fourmis dans les jambes…le son est énorme dès les entrées et les premières explosions de sons et distorsions ne tardent pas à fuser en pleine face du public dense de la grande scène.

Le jeu de scène jouissif, et la complicité des deux guitaristes Torsten Kinsella et Jamie Dean, qui, quand il relâche ses claviers pour empoigner sa Fender Jagstand sur les passages lourds et (très) distordus fait plaisir à voir.
Là aussi, point de vue énergie, les musiciens font fi des « codes » habituels imposés par la supposée lenteur du post rock, où la musique prime sur un jeu de scène trop extravagant, pour transmettre leur énergie sur un tempo loin d’être sage.

En enchaînant sur des titres comme « The end of the beginning », plus calmes, la grosseur du son fait clairement ressortir l’énergie pure du live. On sent que les 4 GIAAs [2] ne sont pas prisonniers des strates progressives et complexes de leur musique mais plutôt dans l’épure pour aller vers l’essentiel.

Le public finit par attendre ces explosions purement rock comme sur « Echoes », qui n’a pour le coup, plus rien emprunté aux Floyd…le son est brut, et la Gibson demie caisse de Kinsella chante à merveille les passages mélodiques, pour se faire rejoindre par la Fender de Dean sur les passages saccadés. Le public est conquis…Ils viennent de plus le chercher lors des passages les plus puissants…


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Les passages mêlant pattern de batterie électronique et batterie acoustique de Lloyd Hanney sont groovys à souhait, font littéralement sauter et pogoter les plus excités du public,sur « World in collision »…sur du post rock !

Un concert ressemblant de plus en plus à une grosse claque énergique, tellement nous attendons le prochain retour de flamme, la prochaine explosion…Bref à mon sens God is an Astronaut se savoure véritablement en live, pour mieux se remémorer a posteriori, sur les albums, les variations d’intensités ressenties en concert.

« Forever Lost » revient aux sons de pianos, au calme, et fait apprécier le travail des effets, des violons, pour cette ballade aux changements de ton, et d’ambiances multiples.

Avant de repartir, insatiables,vers les titres de leur nouvel album qu’ils sont venus défendre pendant cette tournée, et qui s’annonce très travaillé, et assez obscur…plus sombre que les gros titres, leurs « classiques » qu’ils sont venus jouer ce soir.

Nous en sommes à deux heures de show, et nous n’aurons définitivement pas le loisir de voir le visage du bassiste Niels Kinsella qui, caché par sa tignasse en sueur, aura secoué la tête en rythme tout ce temps, bien campé sur sa basse…

Jamie Dean en profite pour venir jouer dans le public, à plusieurs reprises, pour finir de partager complètement.
Une photo selfie sympathique plus tard et le groupe finit ses deux heures et quart de show par « Suicide by a star », et ses passages de double pédale de grosse caisse, juste pour achever ceux qui auraient encore un peu d’énergie dans le public.

Bravo au Brise-Glace de proposer encore ce genre de soirée mettant en lumière des courants musicaux alternatifs, et de capter, d’attirer des groupes rares en France (8 dates seulement, et dans des petites salles) qui permettent d’avoir ce type de bonne surprise, un soir de semaine…

Bref God is an Astronaut, en live, permet de se réconcilier, si besoin était, avec l’énergie rock, avec le post rock, et le sommeil, une fois le concert vécu…
Tout ceci devrait être remboursé par la Sécu…

Toutes les photos prises par Pierrick Rinaudo.

Notes

[1The beauty the World makes us hope for

[2God is an astronaut

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