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Prix Russolo 2022 : le son, rien que le son

mardi 10 janvier 2023 par Tom Rad-Yaute rédaction CC by-nc-sa

Compte-rendu

C’était la dernière étape, l’ultime séance d’un concours voyageur, - le prix Russolo - qui, du Japon au Brésil, en passant par Genève ou Prague, fait entendre une sélection de sept oeuvres de musique concrète, sept déclinaisons de cet « art des bruits » né dans le sillage des visions futuristes de Luigi Russolo, à des audiences diverses qui votent et élisent la meilleure composition.

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Avec Lieutenant Caramel, tout commence et finit par une coupe de champagne. Dans le hall du petit théâtre de l’Echange, en plein centre d’Annecy, le maître d’oeuvre accueille, blague, rappelle à grands traits l’histoire de la musique concrète et les règles du jeu de ce soir : sept compositions à classer par ordre de préférence pour déterminer celle qui remportera le prix – même si, ajoute-t-il, les dès sont en réalité joués, du fait du poids des votes japonais, numériquement très importants.

Sur la scène, face aux quelques rangées de fauteuils rouges, deux enceintes sont disposées, de manière assez théâtrale. Elles diffusent une à une les pièces, pour une durée globale d’environ une heure. A de rares exceptions, les compositions se tiennent strictement au programme concret : utiliser les sons, souvent quotidiens, comme unique matériau et les faire jouer entre eux en s’appuyant et en mettant en valeur leur musicalité. La définition du son est impeccable, donnant une impression de proximité presque surnaturelle avec la composition.

Il y a aussi des figures, une sorte de grammaire récurrente qu’on apprend à repérer. Avec ses moments d’exposition, dépouillés, ses montées en tension, emballements, précipitations, comme les scènes haletantes d’un film. Une construction en flux et reflux. Qu’on dirait calquée sur le pouls d’un personnage, sur son souffle plutôt que sur une pulsation rythmique identifiable. Exactement comme dans les improvisations free d’un Fred Frith, Jean-Pierre Drouet ou John Zorn.

Certaines pièces utilisent de multiples sources sonores, comme le « Anthozoa » de Daniel Blinkhorn (Australie), donnant l’impression d’une approche assez technique ou alors proche du field recording et de l’écologie sonore, comme la pièce « Does it matter ? » du Brésilien Alex Buck, qui fait entendre l’espace, le vide d’une cavité. D’autres pièces sont beaucoup plus sobres : dans « Saglia glitch 5 R » du Norvégien Ingvar Loco Nordin, les sources semblent se compter sur les doigts d’une main. Des carillons, une rivière, une voix syncopée qui dit un poème et des coups de boutoir sourds. Eléments très distincts qui interagissent, presque à la manière d’un quartet de jazz. Parfois l’ensemble paraît plutôt abscons alors qu’ailleurs il est plus figuratif, un peu évident, comme les « Rêveries » de Leah Reid, dont l’utilisation des boîtes à musique et du piano pour créer des atmosphères oniriques a été plébiscitée par le public japonais.

Devoir voter pour une des pièces pousse à adopter une écoute active, à peser l’intérêt de telle ou telle démarche, à bricoler, élaborer ses propres critères d’évaluation et de jugement. Ma voix sera pour « Voices », du Grec Théodoros Lotis, composée de manière dynamique à partir de captations de voix humaines et du panel expressif très large dont elles sont capables.

A Annecy, c’est la poésie rude de Ingvar Loco Nordi qui remporte le plus grand nombre de suffrages mais, au final, le prix ira à « KOM », de Diego Ratto, et ses atmosphères urbaines étirées en drones vibrants.

Toutes photos et documentation : contact@luigirussolo.eu

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