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Questions de regards

vendredi 22 novembre 2013 par Franz Narbah rédaction CC by-nc-sa

D’abord, je ne suis pas un spécialiste, je suis un amateur d’art “con“ (pour contemporain ; j’aime bien abréger humoristiquement ainsi ma pensée sur cette question), avec un regard spécifique que j’assume ; c’est tout. Aujourd’hui, j’ai envie de partager avec vous les réflexions que m’inspirent deux séries photographiques bien connues…

La série de Roman Opalka - voir son site) est à mon avis dans la lignée des artistes qui utilisent leur corps comme medium (Comme Marina Abramovic par exemple), on rejoint je pense le sujet classique de la vanité qui, depuis très longtemps, hante l’art et pose la réflexion de notre finitude, et aussi, par voie de conséquence, la question de savoir si une démarche artistique doit tendre vers l’immortalité.


Cette série de portraits fait irrésistiblement penser que l’artiste (l’homme) se dirige droit vers la mort.
Il se regarde lui-même dans les yeux, et nous le regardons aussi, et nous avons peur et sommes saisis par sa beauté ; car ce type a une gueule d’acteur, et nous nous identifions à lui , et sommes nous aussi transportés par notre propre beauté et notre finitude.
L’esthétique qui se dégage de ça, et qui me semble relativement incontournable, c’est l’effet de ralenti paradoxal. Ralentir le temps (un millième de seconde par jour) pour montrer sa vitesse (une vie en un seul coup d’œil). Même les pires contempteurs de l’art contemporain sont saisis par la simplicité de l’idée et la force qui s’en dégage.

Par association d’idées j’évoque la série de Nicholas Nixon qui se nomme The Brown Sisters (voir la série ici)


Suspens insoutenable de la première disparition !

C’est en effet une utilisation totalement différente du même procédé : photographier des personnages au fil du temps et les voir vieillir.
Ce qui me frappe, c’est que l’une des quatre sœurs mourra avant les autres. On ne sait pas laquelle.
Peut-être ce sera le photographe qui va disparaître le premier.
Ceci n’a pas été pensé (je crois que c’est une évidence) au moment de la mise en route du projet. Le travail est donc plus anecdotique.
Il rattrapera un jour son concepteur. Ce sera peut-être fait lorsque vous lirez ceci.
En revanche, c’est un projet moins “vaniteux“ en ce qu’il est moins dépouillé, plus plongé dans l’humain, le vivant.
Le thème de la photo de famille est ici très fort. Ainsi que le thème double de la sororité
Impossible de ne pas se raconter en creux les vies des sœurs, et impossible de ne pas voir grouiller derrière elles toute la vie de leurs familles.
Ce qui fait le charme ici, ce n’est pas l’identification ni la vanité de leurs existences, c’est au contraire l’impossibilité que nous avons de savoir où nous conduit notre destin.
C’est ce que le lis dans la beauté qui perdure des visages de ces quatre sœurs, qui se ressemblent tant et sont si différentes et belles, chacune à sa façon.
Où allons-nous ?
Peut-être est-ce moi, spectateur, qui serait mort avant elles et le photographe ?
Proprement vertigineux.
Une fois encore, je pense que même les détracteurs de l’art contemporain (les beaufs qui disent bof) ne pourront pas échapper à la fascination qu’exercent ces images.

Je crois cependant que ces deux séries photographiques ne se réduisent pas à mon seul regard. Bien d’autres façons de les lire sont certainement possibles. Le lien de commentaire ci-dessous est là pour ça ; si vous avez un autre regard.

Déjà 1 commentaire

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Les commentaires de cet article

  • Le 7 novembre 2018 à 14:43, par François Habran En réponse à : Questions de regards

    Pour la deuxième série, on ne saura jamais car elle stoppe en 2010. Pour la première, Roman Opalka est mort, tout simplement après son dernier autoportrait. On peut dire qu’il est allé jusqu’au bout !

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