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Toiles automnales

lundi 15 septembre 2014 par Xavier Depraz rédaction Copyright

Chronique

Comment s’y retrouver dans l’avalanche de sorties de la rentrée ? Ainsi, par exemple, 21 films sortent ou ressortent la semaine du 24 septembre ! La guerre sera rude pour se maintenir sur les écrans...
Voici 5 « petits » films qui seront très certainement à l’affiche des salles art et essai de la région en octobre et novembre. À surveiller de près !

Bodybuilder

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Chronologiquement, c’est Bodybuilder, de Roschdy Zem qui sortira le premier, le 1er octobre. Le comédien signe là son troisième long métrage (après Mauvaise Foi et Omar m’a tuer).

Tourné entre Lyon et Saint-Etienne, ce film nous plonge dans l’univers viril du bodybuilding... Un monde rarement approché par le cinéma français : c’est déjà un bon point. Antoine, interprété par l’excellent Vincent Rottiers, a 20 ans. Il a monté une embrouille dans son quartier, à Lyon, et a été mis à l’amende par le caïd local. Il doit donc se mettre au vert chez son père, Vincent, qu’il connaît à peine, puisque ce dernier est parti lorsqu’Antoine avait 3 ans et à petit à petit, coupé tous les ponts avec sa famille. Vincent gère une salle de musculation dans une petite ville, près de Saint-Etienne. Il s’entraîne pour le championnat de France de bodybuilding, catégorie vétérans. Antoine, façon chien fou, déboule chez Vincent, personnage monolithique dont la vie est réglée comme une horloge...

L’approche de Roschdy Zem est sobre, sans fioriture. On pourrait presque rapprocher ce film des films sociaux à la Ken Loach, toutes proportions gardées. Mais on y croit ! Et Zem semble avoir trouvé la perle rare : François Yolin Gauvin. Un ex champion du monde de bodybuilding, totalement crédible donc, qui fait jeu égal avec Vincent Rottiers, Nicolas Duvauchelle, Marina Foïs et Roshdy Zem lui-même, qui s’est donné le rôle du coach de Vincent. Cet affrontement père fils, dans une ambiance super testostéronée est très réjouissante !

Fièvres

Le 15 octobre, c’est Fièvres qui tentera de faire sa place sur les écrans. Et ce ne sera pas simple pour ce troisième long d’Hicham Ayouch (petit frère de Nabil Ayouch). Ici, pas de tête d’affiche ! Là encore, la relation père/fils, sur fond de banlieue, est au cœur du film.

Benjamin, 13 ans, en totale rupture sociale, fait le choix, pour éviter un énième foyer, d’aller vivre chez son père, qu’il ne connaît pas. Ce dernier, Karim, habite avec ses parents en banlieue parisienne. Le moins que l’on puisse dire est qu’il ne va pas très fort... L’arrivée de Benjamin va exploser ce fragile équilibre morose.

Voilà un film qui recèle une énorme énergie et qui s’inscrit dans une veine réaliste, ponctuée de souffles poétiques (notamment à travers un personnage intriguant, qui vit dans une caravane au bord de l’eau et qui est, dans la première partie du film, la seule bouée de Vincent). Là encore, le casting est impressionnant et fait la force du film : le jeune Didier Michon (peut-être lui faudra-t-il changer de nom s’il veut faire carrière....), celui-qui-ne-baisse-jamais-les-yeux, et dans le rôle du père, Slimane Dazi : une « gueule » connue du cinéma français (notamment pour son rôle de caïd marseillais dans Un prophète). Le duo fonctionne à merveille... Seule réserve : la fin du film, que je ne vous dévoilerai pas, bien sûr, mais qui jette une ombre supplémentaire dont le scénario n’avait pas besoin.

Bande de filles

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Le 22 octobre, mon coup de cœur. Bande Filles, de Céline Sciamma. Le film a fait l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes. Pourquoi n’était-il pas en compétition ? Mystère... Voilà un vrai film de cinéma, à voir au cinéma (ce qui le distingue des deux films précités), tourné en scope, image irréprochable, séquences à la steadycam...

Céline Sciamma, pour son troisième film (encore un troisième !), après Naissance des Pieuvres et le très controversé Tomboy, s’est lancé un défi « technique »... parfaitement réussi et qui sert admirablement son propos. Là encore, nous sommes plongés en banlieue parisienne. Marieme a 16 ans... Après sa 3e, c’est le vide : elle ne peut intégrer une seconde générale et ne veut pas faire un CAP. De fil en aiguille, elle intègre une « bande de filles », emmenée par la charismatique Lady. Virées à Paris, racket à la sortie des lycées, affrontements avec des bandes rivales, voilà ce qui va être dorénavant le quotidien de Marieme. Mais il y aussi la famille, l’amour... Pas simple ! Quelle force, ce film ! Le casting n’a pas dû être une partie de plaisir, mais est une réussite totale. Le spectateur est happé dans la vie de ces 4 filles, qui fait le grand écart entre une soirée où l’on chante du Rihanna à tue-tête et un combat à mains nues, dans lequel le soutien-gorge de la rivale est un trophée.

Tout fonctionne, tout s’imbrique... et le résultat est magnifié par l’électro planante de Para One (avec lequel Sciamma avait déjà travaillé sur ses précédents films). J’avais été enthousiasmé, par Foxfire, de Laurent Cantet, qui nous plongeait lui aussi dans une histoire de bande de filles, dans un autre temps, un autre lieu. Et pourtant, que de points communs : les rituels d’intégration, les codes, les liens indissolubles, la nécessité vitale de faire groupe dans un environnement hostile et violent. Un film à ne pas manquer ! Il a été présenté en avant-première à la Turbine, le 13 septembre dernier. Espérons que le bouche à oreille fasse son œuvre et que le film puisse se maintenir en salle le plus longtemps possible.

Le 29 octobre, il sera dur de faire un choix entre ’71 de Yann Demange et Le sel de la terre de Wim Wenders. Le mieux sera de voir les deux !

’71

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Yann Demange est un réalisateur français qui vit et travaille à Londres. Il vient de la pub, du clip et de le séries TV... et cela se ressent dans la réalisation de ’71. Le spectateur n’a pas de répit... A la façon de Paul Greengrass dans Bloody Sunday, caméra à l’épaule, Demange nous téléporte en 1971, à Belfast. Une jeune recrue de l’armée britannique (Jack O’Connell, que l’on a vu récemment dans l’époustouflant Les poings contre les murs) se retrouve coupé de son unité, en plein territoire catholique. Pour ne rien arranger, il a été le témoin d’une sombre opération d’English barbouzes, qui aimeraient bien le faire taire.

C’est ultra violent et ça déménage ! Les âmes sensibles feraient mieux de ne pas franchir de seuil de la salle de cinéma... Rien de très nouveau dans un thème qui a été abondamment traité (notamment par Neil Jordan, Jim Sheridan- Au nom du Père, The Boxer - Loach -Hidden Agenda-, Greengrass, McQueen ...), mais Jack O’Connell porte le film avec brio. On ressort de ces arrière-cours glauques et de ces caves sanglantes totalement essoré.

Le sel de la terre

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Enfin, last but not least, Le sel de la terre, de Wim Wenders. Les cinéphiles auront noté que c’est aussi le titre d’un film d’Herbert Biberman, réalisé en 1953 censuré pendant plus de 10 ans aux Etats-Unis... Le film traitait de la condition des travailleurs mexicains dans les mines du Nouveau-Mexique.

Le lien est donc naturel vers le travail du photographe brésilien Sebastiao Salgado, dont Wenders se propose d’établir un portrait, en revenant sur la longue et riche carrière. Du Sahel au génocide rwandais, des mines d’or brésiliennes aux puits de pétrole koweïtiens en feu, Salgado a tout photographié. Pour ceux qui découvriraient son travail, ses photos, projetées sur l’écran de cinéma sont encore plus impressionnantes. Salgado les commente, souvent en surimpression, face caméra. Un sage qui a vu ce que l’humanité peut produire de pire.

La partie la plus originale du film arrive sur la fin. Salgado, après une période de totale désillusion, a entrepris, avec son épouse de replanter une forêt (ou de faire replanter plutôt), sur le terrain de son père, au Brésil. Je vous laisse découvrir le résultat...

Le film sera à l’affiche des Rencontres Du Film des Résistances de Thônes, en novembre prochain. Le festival sera délocalisé dans plusieurs salles du département : il y en aura certainement une près de chez vous pour voir ce film !

Bande de filles

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