> Mag > Arts > Tranquille activité des faiseurs de scandales
Étrange posture des avant-gardes
Je suis allé au Kube de Novel vendredi 10 mai dernier pour assister à l’une des toutes premières rencontres dans ce lieu nouveau. Il y a des voyages comme ça qui vous emmènent loin sans avoir besoin de se déplacer.
Le contexte est celui du Festival “Le Bruit de la Neige“.
La rencontre, celle de Frédéric Aquaviva
Érudit, musicien, plasticien et cinéaste, mais avant tout expérimentateur, l’homme, qui a la particularité d’avoir les cheveux a la fois longs et courts, est une figure importante. Un spécialiste des avant-gardes, avec une expertise désormais reconnue pour les lettristes et leur initiateur Isidor Isou. Celui-là qui avait compris avant tout le monde que le poète dilate les “voyelles“ et non les “vocables“. Une erreur créatique très novatique qui va fonder la première “vraie“ internationale. je vous la fait courte car le temps nous manque pour étudier ces avant gardes d’hier quand s’éloignent déjà celles d’aujourd’hui, dépassées sans cesse par celles de demain. C’est une autre histoire.
Ce sont vents et vertiges qui nous saisissent lorsque nous brisons le miroir fragile des apparences. Cette réalité admise et qui semble si solide, et qui pourtant, a peine effleurée, questionnée, vole en éclat.
Je m’égare.
Revenons à cet Aquaviva si justement nommé.
Pour commencer la soirée, il a présenté deux extraits de films réalisés par lui-même,consacrés à deux poètes indéfinissables, à la fois lettristes, bruitistes, performeurs, plasticiens, etc..
L’un sur Henri Chopin et l’autre sur Bernard Heidsieck.
On y assiste en durée réelle à l’acte de création dans l’intimité des deux artistes. Rien ici n’est arrangé. Les bandes son, d’une qualité remarquable, sont à elles seules œuvres de musicien. Pourtant, rien ne semble se passer et la durée parait ne rien devoir céder à notre intérêt. Pourtant, la magie opère. Celle d’être pris soudain, fasciné par le travail manuel de ces hommes, d’apparence absurde et presque ridicule, mais dont les doigts eux aussi apparemment malhabiles, accouchent des œuvres impensables.
Une tranquille activité de faiseurs de scandales. C’est à voir, je vous le jure ! Que dire d’autre ?
Ensuite, la soirée s’est poursuivie avec la diffusion en video de la création "Aatie“, pièce composée par Fréderic Aquaviva et exécutée à la Fenice de Venise (vidéo ci-dessous) le 14 mai 2011, le tout filmé par lui même.
Et ce n’est pas fini. Reste, pour clore une soirée somme toute fort courte, une performance cabalistique qui consiste à se faire photographier par Frédéric Aquavista pendant qu’on écoute une partie de la bande son de sa prochaine composition accousmatique en cours de composition, donc à un stade transitoire et appelé à disparaître, au casque. Histoire de voir quelle tête on fait probablement.
Incroyable non ? Comment avez-vous pu rater ça ? Et tout ça au Kube tout neuf de la MJC de Novel. Et devant un public d’environ dix personnes.
Je ne sais pas quelle conclusion je dois tirer de tout ça ; le public manque de curiosité ? L’avant garde est dépassée ? Le lieu n’est pas adapté ? Je suis cinglé d’aller voir des machins pareils ?
Si c’est le cas, si je suis cinglé ; je suis content d’être cinglé : ça me fascine, ça fourmille d’idée, ça me réveille les neurones, je suis content que ça existe et que des gens croient à la vie à ce point là : merci Frédéric Aquaviva. J’espère qu’on se recroisera.
Rencontre avec Fréderic Aquaviva