> Mag > Musique > Une bonne tranche de Bree
Ces 2 dernières années, une série d’artistes néo-zélandais s’est fait une place remarquable dans la musique pop, folk, country rock. De Marlon Williams en passant par Aldous Harding, voici un arrêt dans l’univers mystérieux (et délicieusement obsédant) de Jonathan Bree, en concert au Brise Glace d’Annecy, ce 31 mai. Ô joie !
Ça commence en novembre dernier, au hasard d’un réseau social envahissant : je me connecte un soir et un ami a laissé un message : tiens, ce titre m’a fait penser à toi. En-dessous, l’image de lancement d’une vidéo d’un site de vidéos bien connu. Il est tard et j’hésite à l’écouter immédiatement, mais je crains de finir par oublier et de décevoir cet ami (au demeurant toujours de bon conseil) et mon doigt finit par effleurer la petite flèche. Le clip se lance.
Image noir et blanc un peu baveuse, en mode télé des années 60, un violoncelle utilisé comme une guitare, mouvements basiques et dépouillés ; il y a surtout cette série de visages cachés par des masques, eux-mêmes recouverts. Rien ne transparait sinon la forme rigide du nez et de la bouche, qui reste immobile alors que la voix du chanteur se glisse dans mes oreilles. Pour moi, il y aura définitivement un avant et un après Jonathan Bree.
Étrangement, je prête peu attention à Jonathan Bree tant écouter ce morceau me suffit. Et puis arrive le jour où je regarde mieux, où je vais chercher un peu plus loin et je finis par écouter l’ensemble de l’album composé par Jonathan Bree, Sleepwalking, qui réalise également ses clips et fait de ce masque étrange une partie intégrante de son travail : il apparaît quasi-exclusivement masqué - même lors de ses concerts - tout comme les chœurs, les musiciens et les danseuses.
L’artiste est également le créateur du label Lil’Chiefs records et si on cherche un peu, on le retrouvera dans d’autres projets musicaux (vous pouvez jeter une oreille sur le groupe The Brunettes) avant Sleepwalking.
Bon, mais l’album, alors ? « You’re so cool » vous place immédiatement dans une bulle onirique et étrange : avec ses sonorités évocatrices, ce morceau pourrait illustrer tant de films... J’ai peur d’être déçue par le reste des chansons, et pourtant, cette chanson ne laisse éprouver un bout de tout un univers... intense. (je ne comprends pas la deuxième partie de cette phrase)
Je commence l’écoute dans la voiture, un autre soir d’hiver. Est-ce que ce contexte a permis cela ? Est-ce que je suis juste très réceptive à ce genre de musique ? Peu importe : l’album me transporte complètement, entièrement, du morceau d’ouverture « Sleepwalking » qui semble vous avertir qu’un monde va s’ouvrir devant vous, sous vos yeux et vos pieds ou dans vos oreilles, et que, si vous voulez, vous pouvez plonger dedans. « Boombox serenade » matérialisera dans vos oreilles la chute, dans une eau sombre ou limpide, peu importe : on vous laisse cette liberté.
Ensuite, s’enchainent des titres comme « You’re so cool », « Roller disco », « Valentine », ou « Coke » qui sont comme des portes, ou des accès à des atmosphères différentes, toujours guidées ou éclairées par la voix calme et profonde de Jonathan Bree.
L’album se place sur un fil, une frontière : limite kitch ? Limite dissonante ? Limite noire ? Celui qui écoute Sleepwalking va à l’aveugle mais ne se cogne jamais, comme somnambule. Sleepwalking est clairement un album pop : les structures sont là, et on n’entend rien de novateur, mais l’univers créé par Jonathan Bree, tellement riche et précis à la fois, peut être tout-à-fait bouleversant.
On sort de ce rêve avec « Fuck it », redescendu sur la terre ferme, prêt à replonger pour faire le même chemin, ou presque, selon les envies. Pour moi ce sera souvent, au moins.
Jonathan Bree
indie pop
Melatonin
folktronica / France
16,50€ / 13,50€ / 10,50€
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