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Jonathan Bree en concert
C’est le genre de date attendue après que la découverte d’un album vous a bouleversée : vous n’osez presque pas y penser car vous connaissez la déception générée par trop d’attentes, trop d’envies d’entendre tel son, de voir sous telle lumière...L’album de Jonathan Bree figure désormais parmi ceux qui vous accompagnent. Et ce soir, il passe en concert au Brise-Glace. C’est tout ce qu’il faut vous dire.
Il y a peu de monde en arrivant dans la salle. La première partie, le groupe Rhône-Alpin Melatonin, se met en place. Il jouera les titres du dernier album en date, dans la catégorie electro/dream-pop – catégorie à haut potentiel casse-gueule [1].
On pourrait évoquer les premières parties, le challenge que cela représente de passer avant l’artiste que tout le monde attend. Et pour le coup, Jonathan Bree, je l’attends.
Mais Melatonin relève le défi : le set a du relief, les morceaux s’enchaînent avec une énergie humble. On perçoit que les 4 membres du groupe proposent des morceaux qui sentent encore le neuf et n’ont pas rencontré beaucoup de monde, tout en assumant cette espèce de fragilité.
Pas de discours excessif, pas d’attitude sombre et désespérée pour cacher tout cela. Ce qui pourrait sonner maladroitement devient alors un atout pour le groupe qui s’autorise petit à petit au fil des morceaux à monter en puissance...Et alors vous vous dites que ça vous rappelle un peu de... ou alors sensiblement... Non en fait, vous réalisez que vous êtes en train d’écouter un groupe qui a des choses à dire, assume ses influences et sait être à l’endroit qui lui est juste. Vous n’en attendiez pas plus que ça et finalement Melatonin vous emmène. Et merci !
Changement de plateau et vous avez la sensation de tourner en rond. Il y a peu de monde et cela vous permet de vous placer au bord de la scène. Vous attendez puis ça vient. Le rideau s’ouvre. Jonathan Bree est là, debout immobile, le visage masqué et perruque brune, courte façon coupe au bol.
Il est accompagné d’un batteur et d’un guitariste, grimés de la même façon, ainsi que de 2 danseuses, habillées de blanc, dont les masques, cette fois, sont percés pour laisser les yeux voir librement.
Commence alors un concert pour lequel vous expérimenterez des sensations particulières, peut-être déconcertantes.
La voix de Jonathan Bree est là, impeccable, qui vous pousse en arrière et vous fait dégringoler, dans le monde étrange que le chanteur vous avait déjà ouvert avec son album « Sleepwalking ». Et cette voix sera une des seules choses à laquelle vous raccrocher, dont vous pourrez être assurée, jusqu’à la fin.
Vous verrez en fond de scène, les vidéos utilisées par Bree dans les clips des chansons : en noir et blanc, comme tirées des premières archives télévisées. Les chorégraphies montrées sur ces vidéos seront reproduites par les deux danseuses en devant de scène. Les mouvements tournent à la gesticulation sur les derniers morceaux du concert et contrastent en permanence avec la posture de Jonathan Bree, qui bouge peu, qui s’immobilise parfois, comme un automate qu’il faudrait remonter.
Le chant, la batterie, les choeurs et la guitare sont joués en live mais vous pourrez entendre le reste, enregistré et lancé depuis la régie.
Étrange. Pas d’autre mot que les paroles de chansons, pas une expression pour mesurer où en sont le chanteurs et les musiciens. L’ensemble vous paraît volontairement artificiel, mécanique, déconcertant...et pourtant, vous avez tout entendu. Vous avez compris des paroles qui certainement vous auraient échappé ; vous vous êtes laissée prendre par la musique en raison de l’absence de tout le reste, par la recherche de chaque détail perceptible : la bouche sous le tissu, la respiration après la chorégraphie, le pied qui tape doucement le tempo d’un morceau... Vous percevez finalement que tout cela est peut-être une façon de balayer l’insouciance qui vous habite quand vous venez en concert. Jonathan Bree a quelque chose à nous dire, et la froideur de toute cette mise en scène est sa façon à lui de nous sommer d’écouter.
Jonathan Bree quitte la scène, et vous cherchez encore ce qui vous a pourtant clouée là. Le concert vous revient, encore comme ces rêves dont vous vous souvenez soudainement. Vous n’attendiez rien, mais vous êtes maintenant riche de cela.
[1] NB : ce classement de catégorie est volontairement subjectif ! Et ces commentaires n’engagent que moi, bien évidemment.