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Une cArMen en Turakie, opéra détourné

mercredi 13 janvier 2016 par Guillaume Sergent rédaction CC by-nc-sa

Chronique

Ce spectacle musical, dernière création de la compagnie Turak Théâtre, écrit et mis en scène par Michel Laubu en 2015, reprend de manière décousue le Carmen de Bizet. Véritable opéra sous-marin, on y découvre un monde peuplé de marionnettes étranges et d’objets recyclés de toutes sortes.

Une œuvre phare

Au large de la pointe du Raz, à l’extrémité ouest de la Bretagne se trouve le phare d’Ar-Men. À ses pieds, à quelques brasses sous le niveau de la mer, gît le pays de Turakie, monde imaginaire créé par Michel Laubu en même temps que sa compagnie il y a près de trente ans.

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Le Turak Théâtre, c’est un théâtre d’objets gesticulés, visuels ou sonores, faits de matériaux récupérés ici et là, et dans lequel le quotidien est continuellement réinventé. Dans ce monde, se déroule une histoire d’amour bien connue, celle entre un brigadier et une bohémienne andalouse, une jeune Navarraise et un contrebandier, un toréador et un taureau… C’est l’histoire de Carmen, célèbre opéra de Georges Bizet joué pour la première fois en 1875, revisitée par un auteur à la fois poète, bricoleur, et archéologue de son temps. Ici, marionnettes et objets bricolés remplacent les personnages et les décors. Des planches à repasser surmontées de guitares font office de taureau, tandis qu’un orchestre de crustacés et de fruits de mer annonce les changements d’acte, projeté sur un écran sous forme de film d’animation. Manipulées par les comédiens, les marionnettes représentant des personnages tout droit sortis de l’imagination de l’auteur, le tout offrant un spectacle visuel riche et innovant. Si Laubu conserve la forme générale de l’œuvre de Bizet, divisée en quatre actes, ainsi que ses personnages, Carmen, Don José, ou Micaëla, le déroulement de l’histoire suit un autre cours, plus onirique, plus désordonné. La musique elle-même est réinventée. Si les célèbres arias de L’oiseau ou du Toréador apparaissent au cours du spectacle, ils sont joués, et parfois enregistrés, sur un piano désaccordé ou un simple ukulélé, donnant à ces airs bien connus un cadre plus intimiste, que le spectateur s’approprie plus facilement. Spectacle poétique, imaginaire, cette pièce offre avant tout une réflexion sur l’objet, son utilité et sa représentation, à travers une mise en scène sonore et visuelle pleine d’intérêt.

C’Ar-Men ?

Si Une cArMen en Turakie se présente comme une pièce librement inspirée de Carmen, on peut toutefois questionner la pertinence de ce choix et la qualité de cette adaptation. Dans cette pièce, Laubu revisite cette œuvre en la transposant dans son monde de Turakie, un monde ludique et décalé. Ici, on peut voir une Carmen séduite par le toréador lors d’un concours de planche à voile, ou un Don José et une Micaëla hypnotisés par la télévision. Les comédiens interprètent tour à tour différents personnages, à travers une grande variété de marionnettes. Laubu lui-même interprète successivement le narrateur, le chef d’orchestre, le tavernier, ou le destin, qui change arbitrairement le cours de l’histoire. Les décors sont aussi riches d’objets improbables et loufoques, parfois même un peu trop riches. On peut déplorer un trop-plein d’objets qui amène à une sous-utilisation de certains éléments, comme la multitude d’instruments de musique apparaissant au premier plan, relégués pour beaucoup au rang de simples objets décoratifs. De même, bien que l’histoire soit complètement revisitée, elle peut apparaître assez floue pour un spectateur peu familier avec l’œuvre originale. Volonté scénaristique ? On peut penser que oui. Une cArMen en Turakie est aussi une œuvre contemporaine, qui revisite et bouscule la conception du théâtre de marionnette et du théâtre d’objet. Si cette pièce s’adresse à un large public grâce à son charme visuel indéniable, elle questionne aussi des procédés théâtraux, des dispositifs scéniques que seul un spectateur assidu et attentif pourra reconnaître. Écrite à plusieurs étages, la mise en scène laisse pourtant une grande variété de lectures, et d’émotions possibles, qu’on laisse au soin du spectateur d’apprécier, et de découvrir par lui-même.

Une cArMen en Turakie est une œuvre à la fois moderne et poétique, prenant appui sur une œuvre mondialement connue et un univers enchanteur. À la fois drôle et instinctive, cette pièce emportera le spectateur dans un monde aquatique et sous-marin, là où au pied du phare d’Ar-Men, la Turakie réécrit l’histoire de Carmen, et celle du théâtre.

Article de Guillaume Sergent pour www.lenvoleeculturelle.fr

  • Une cArMen en Turakie :
    le mercredi 13 janvier 2016 de 20h30 à 22h30
    ainsi que le jeudi Janvier 2016 , le vendredi Janvier 2016 Bonlieu, Annecy

    localiser

    adresse

    Avenue d’Albigny


    Annecy (F)

Portfolio

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