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Alexandre bis, dit “l’épinglé“

mercredi 13 juillet 2016 par Franz Narbah rédaction CC by-nc-nd

Portrait

Pendant le festival du cinéma d’animation (Annecy 2016), les curieux ont pu observer une machine capable de générer des images à la beauté étrangement envoûtante. Alexandre Noyer présentait Spinae, deuxième écran d’épingle de sa fabrication. Installé modestement sur un coin de table dans le hall de Bonlieu, sa (re)création à attiré l’attention de nombreux festivaliers.

La gravure animée

Il convient de rappeler ce qu’est un écran d’épingles car l’instrument est peu connu du grand public et l’article wikipedia sur le sujet plutôt rudimentaire.

Mieux vaut regarder cette excellente émission canadienne : 24 idées / seconde - Écran d’épingles

Il s’agit d’une grille blanche montée verticalement portant une multitude de tiges métalliques noires coulissantes qui sont poussées ou tirées, manuellement ou à l’aide de n’importe quelle sorte d’outil. Elles sont ainsi façonnées et mises en position de créer des zones éclairées et ombragées. On peut dessiner des formes, lignes bien nettes ou demi teintes.

Cette grille, éclairée latéralement, est ensuite filmée image par image. Chaque pointe d’aiguille, ou plutôt son ombre, s’imprime alors sur la pellicule à la manière du pixel d’une image numérique.

Ce qui est séduisant et spécifique dans cet instrument, c’est le velouté du rendu causé par l’ombre portée ainsi que la profondeur des matières causée par la longueur des dites ombres. Mais il est bien délicat d’expliquer cette invention, pourtant simple, quand un coup d’œil, et plus encore un touché du bout des doigts suffit à en révéler la magie. On est bien face à l’une de ces machines optiques capables de générer images et mouvement, mais aussi et surtout, charme et ravissement.

Le rendu peut faire penser à la technique de gravure de la Manière Noire, ou encore à l’aquatinte

Ses inventeurs sont le russo-français Alexandre Alexeieff (†1982) et sa compagne américaine Claire Parker (†1981).

Dans une complicité parfaite et au prix d’un long et patient travail de mise au point, ils ont, au fil du temps, réalisé, avec ce curieux dispositif, six courts métrages et une grande quantité de films publicitaires pour des marques comme Renault, Évian, l’Oréal, Seita, Nescafé, Monsavon, les caves Nicolas, etc. Tous ces films appartiennent désormais au patrimoine reconnu du cinéma mondial.

Une invention jusqu’à aujourd’hui sans lendemain

Jusqu’à sa disparition en 1982, Alexeieff construira, avec Claire Parker, une dizaine d’exemplaires ou de prototypes de sa drôle de machine. Ils en garderont jalousement les secrets de fabrication afin de s’en réserver l’usage exclusif.
Quatre seulement peuvent être considérées comme ayant été utilisables. .
Aujourd’hui il ne subsiste que deux exemplaires. L’un est conservé à l’Office National du Film de Canada (ONF) et l’autre, aux Archives du Film du CNC à Bois d’Arcy.
L’exemplaire canadien a été entretenu et quelques films ont été tournés par Jacques Drouin et son élève Michèle Lemieux.
Mise à part quelques plans confiés par Alexeieff à Norman Mac Laren, il n’existe que peu d’informations sur la technique de fabrication de l’appareil lui même.

Deux films merveilleux sont visibles sur le site de l’ONF. Je vous conseille d’aller les voir toutes affaires cessantes, avant même de terminer la lecture de cet article.

Jacques Drouin : le paysagiste

Michèle Lemeiux : Le grand ailleurs et le petit ici

Pour ceux qui ont eu la curiosité de voir ces deux chefs d’œuvres, inutile d’expliquer plus avant l’intérêt que suscite cette technique chez les réalisateurs.

Un deuxième Alexandre.

La complexité de fabrication de l’Écran d’Épingle semblait vouer cette technique d’animation à rester un avatar sans deuxième vie.
Le canadien Marcel Jean, directeur artistique du festival d’Annecy et grand spécialiste du cinéma d’animation à même été jusqu’à affirmer : “Montréal est aujourd’hui le seul endroit au monde où il est possible de réaliser un film selon la technique de l’écran d’épingle“.
Mais depuis l’exemplaire du CNC a été restauré, et notre inventeur annécien à construit le Spinae.

Alexandre Noyer est un passionné. Il a passé 12 ans aux Ateliers Annécien d’Animation où il s’est formé et à eu l’occasion de manipuler un rudimentaire écran d’épingle didacticiel en bois réalisé par Alexeieff à la demande de Nicole Salomon (Alexeieff était le parrain de l’AAA).
Parallèlement à son métier de technicien dans l’électronique, Alexandre est un “Fou d’Anim“.
L’Écran d’Épingle l’a toujours fasciné. Il est d’ailleurs assez amusant de suivre ses échanges sur le forum (Musecyan c’est lui)au fur et à mesure de l’avancement des travaux (si ce dernier est encore en ligne car il semble malheureusement appelé à disparaître).
En 2012, il voit le film de Michèle Lemieux « le grand ailleurs et le petit ici » qui passe à Annecy.
C’est le coup de foudre.
Mais il réalise alors que le seul écran d’épingle existant est réservé à des pros, et qu’il est même impossible de le voir.
Qu’à cela ne tienne. Il décide d’en fabriquer un.
C’est ainsi qu’au nouvel an 2015, en guise de “résolution de l’année“, le Cactus commence à voir le jour.

Ce sera un écran de format modeste (21x30cm) avec seulement 26 000 épingles. Mais si il est encore imparfait, ce prototype permet à Alexandre de participer à un stage organisé juste avant le festival d’Annecy 2015 par le CNC à l’École d’Art d’Annecy : avec Michèle Lemieux.

Le stage dure trois jour du mercredi 10 juin 2015 au vendredi 12 juin 2015.
Le mercredi matin, un diaporama avec la réalisatrice qui explique l’historique et les références des ombres et lumières dans l’art et l’histoire. L’après midi, présentation de l’écran avec 10 minutes de test pour chaque participant : Alexandre peut enfin toucher "l’épinette".
Les jeudi et vendredi, il assiste à la réalisation d’un cadavre exquis par plusieurs animateurs (Clémence Bouchereau - Céline Devaux - Pierre­-Luc Granjon - Florentine Grelier - Nicolas Liguori - Cerise Lopez - Florence Miailhe - Justine Vuylsteker) , et, en parallèle, il visite l’expo du château et visionne des films d’écran d’épingles dans la salle de projection du Citia.
Alexandre est venu avec son “Cactus" sous le bras. Michèle Lemieux s’y intéresse, l’encourage et lui prodigue de précieux conseils. Jacques Drouin prend même le Cactus sur ses genoux sous l’oeil attendrit de Michèle Lemieux, comme le montre la photo ci-contre.
Alexandre sort de là gonflé à bloc et décide aussitôt de s’attaquer à un deuxième écran pour mettre en pratique le savoir récemment acquis. ce sera le “Spinae“ qu’il présentait cette année à Bonlieu. Format agrandi (30x51/ 25x46 utile), 100 000 épingles (sans têtes pour pouvoir le approcher les unes des autres au maximum et augmenter la définition de l’image).
Nous passerons brièvement sur la réalisation technique : les matériaux modernes et les technologies actuelles ont permis quelques inovations. Mais il n’en reste pas moins vrai que les 100 000 épingles sont mises à la main et que cela représente quelque chose comme 140 heures, soit presque 18 jours ; plus de trois semaines de travail ininterrompu.
Mais avec ça, il devient possible de réaliser un film en cinémascope.
Depuis 40 ans, personne ne s’y était essayé. Alexandre se fixe pour but d’avoir terminé pour l’édition 2016 du Festival. Il y parvient grâce à l’aide de quelques copains qui viennent l’aider chaque lundi soir pour de conviviales scéance de mise en place d’aiguilles.
Toutefois, il est trop tard pour briguer l’investiture officielle du Citia. Heureusement, BD Fugue (merci à eux) à installé des tables pour les signatures dans le hall de Bonlieu et accepte qu’il s’y installe lorsqu’elles sont inutilisées, le matin.

Les contacts sont bons. Des écoles se sont déclarées intéressée pour acheter des Spinae. Des réalisateurs envisagent de réaliser un film avec. Alexandre continue à rechercher des solutions techniques pour envisager des fabrications en petites séries. Bref, une affaire à suivre.


Ils ont manipulé le Spinae avec satisfaction dans le hall de Bonlieu pendant l’édition 2016 du Festival :

 

Michèle Lemieux qui a déclaré “celui-ci, on va pouvoir faire des films avec“ C’est elle qui pose sur la photo ci-contre avec Alexandre.
George Sifianos (réalisateur /professeur aux art déco à Paris)
Fernando Galrito (realisateur et professeur au Portugal)
Marie Paccou (réalisatrice et professeure en France)
Théodore Ushev(réalisateur canadien d’origine bulgare)
Markus Kemfen (réalisateur allemand)
Victor Haegelin (réalisateur français)
Sofian Gutman (réalisatrice israélienne)
Samuel Yal (plasticien /réalisateur français)
Alexandre Dubosc (plasticien/réalisateur français)
…sans compter tous ceux qui se sont arrêtés, ont pris une carte de visite, posé des questions, et que l’appel de la séance de films en compétition de 10h30 ont envoyé trop vite dans la salle obscure.


Enfin, pour terminer, quelques liens pour ceux qui désirent en savoir plus ou entrer en contact :

Alexandre Noyer on facebook pro

Alexandre Noyer on vimeo

“le Folioscope“, une association animée par Alexandre Noyer qui organise des stages de vacances en direction des enfants pour les initier à l’image animée.


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