Caoutchouc, les castors sont parmi nous

Attention, va falloir s’accrocher. Caoutchouc, c’est le nom que se sont donnés Serge Vuille, percussionniste également directeur artistique de l’ensemble Contrechamps, et Jessie Marino, compositrice performeuse dont la pratique artistique se situe à la croisée de différentes disciplines. Et ce sera aussi le cas de ce qu’on va entendre sur ce premier disque, enregistré live au Lex madone, à Genève. Tout est ici question de décalage, depuis le fil rouge a priori assez peu artistique de l’album – les castors –, jusqu’à la forme qui se joue et déjoue les attentes de l’auditeur.

Les six morceaux sont en effet construits à partir de textes documentaires – faits scientifiques, historiques ou anecdotiques et même une lettre de réclamation – déclamés façon spoken word et mis en relief, en scène, en espace, par l’accompagnement musical hétéroclite orchestré par le violon et synthé de Jessie Marino et les percussions cristallines de Serge Vuille, augmentés d’électronique divers. Cet accompagnement emprunte à tout va, de la musique concrète à des ambiances cartoonesques et jusqu’à des élans anarcho-punk naïfs et très drôles, comme un Crass pour enfants. Tour à tour, il vient perturber, appuyer, moquer ou dramatiser, bref, il ne cesse de modifier le contexte d’écoute et fait constamment dériver l’ensemble vers un absurde plutôt comique et poétique.

L’oreille ne sait plus vraiment où donner de la tête mais, pour peu qu’elle rentre dans le jeu, tire un plaisir spécifique à ces échos et décalages en cascade, sur lesquels plane un esprit espiègle et léger qui rend ce disque singulier très attachant.