> Mag > Musique > Christophe Godin et son Dirty Blues Band
Comme souvent à Guitare En Scène, Christophe Godin n’est pas bien loin ! Le guitariste haut-savoyard a forcément un lien particulier avec le festival. Christophe joue le samedi avec son Dirty Blues Band et donne une masterclass de guitare le lendemain dimanche. Bref, de la bonne musique en perspective et l’occasion d’une bonne discussion autour des différents projets musicaux de l’artiste et de musique en général !
Pour commencer, parlons actualité ! Le Dirty Blues Band ! Qu’est-ce que tu peux nous en dire ? Comment ça a été créé, qu’est-ce que vous faites ?
Hé bien en fait c’est un hasard ! Arca Blues avait besoin d’une première partie pour le groupe américain de blues Royal Southern Brotherhood. Michel d’Arca Blues et Nicolas Varrot m’ont passé un coup de fil et m’ont demandé si j’avais un projet que je pourrais monter rapidement et qui pourrait jouer en première partie de Royal Southern Brotherhood.
Je n’avais rien du tout sous la main à ce moment-là, mais je me suis dit que ça serait l’occasion de jouer avec Henry Sérafini qui était un de mes héros d’adolescence, et puis bien sûr Ivan Rougny car je fais quasiment tous mes projets avec lui, et un batteur qui s’appelle Maxence Sibille que j’avais eu comme élève à l’école il y a des années de ça, et qui a maintenant une carrière monstrueuse dans le jazz et des choses qui vont autour, mais qui a une vraie culture rock.
L’idée a été de se dire qu’on prépare un répertoire avec une moitié de reprises et une moitié de morceaux originaux qu’on composerait pour l’occasion. Puis on a fait un set de 45 minutes. Ça s’est vachement bien passé, on a composé et travaillé très vite et très bien. Ça a très bien marché, on a fait un super concert qui a eu beaucoup de succès.
On nous a proposé de renouveler l’expérience à la soirée des partenaires de Guitare En Scène. Et en nous voyant, les gens de Guitare En Scène ont dit qu’ils voulaient nous voir sur le festival. Donc pour le moment c’est le troisième concert qu’on va faire ce soir, et c’est un peu inattendu car ce n’était pas prévu pour durer, et ça dure. Le Dirty Blues Band c’est un truc qui tombe un peu de nulle part, mais sur lequel je me régale !
Le Dirty Blues Band c’est un truc qui tombe un peu de nulle part, mais sur lequel je me régale !
C’est un projet qui a des allures de groupe finalement ?
De toute façon, ça porte le nom de Christophe Godin’s Dirty Blues Band parce que c’est à moi qu’on a demandé de monter le truc, et on a voulu utiliser mon nom car il dit quelque chose aux gens localement, et puis parce que c’est souvent dans l’esprit de ces groupes de blues d’avoir un nom composé d’un nom propre suivi du véritable nom du groupe.
Mais pour moi, c’est vraiment un groupe. Henry a composé la moitié des morceaux, j’en ai composé l’autre moitié. On a gardé deux reprises. On a cet esprit heavy blues… Les compos d’Henry sont plus teintées soul blues, et les miennes sont plus hard blues. Finalement on avance avec tout ça, et c’est un vrai groupe, tout à fait !
Est-ce que tu peux parler de tes autres projets sur le feu ?
Mörglbl finit son 7me album, donc ça c’est le gros boulot que j’ai en ce moment à la maison, et ça devrait sortir mi-octobre, début novembre. On vient de finir les 20 années de Mörglbl, on attaque la 21me année avec un nouvel album. À l’occasion des 20 ans de Mörglbl, on a filmé un DVD qui sortira en décembre ou janvier. On va avoir une année déjà bien chargée.
Ensuite je vais m’attaquer au deuxième album de Wax’in avec Médéric Collignon, Philippe Bussonnet et Franck Vaillant. Ça c’est un truc plus jazz, heavy jazz, années 70. Et puis on va essayer de finir un deuxième album avec Olivier-Roman Garcia. On a fini de composer quasiment, mais on n’arrive jamais à se voir, parce qu’on est toujours pris. Donc l’année va être très très chargée pour moi !
J’ai une question que j’aime bien poser, je te l’ai sûrement déjà posée mais je vais la reposer : quelle est ta définition de la musique ?
Alors là ! Pour moi c’est la bande-son de ma vie depuis que je suis tout petit. J’ai commencé la musique à 4 ans, et la musique fait partie intégrante de ma vie. Je ne peux pas m’en passer, j’écoute énormément de musique toute la journée, et j’ai un rapport à la musique qui est un peu le même rapport qu’on peut avoir avec les bouquins.
Ce qui m’intéresse n’est pas le côté technique. Le côté technique m’a intéressé lorsque j’étais gamin et que j’ai commencé la guitare. Je suis d’une génération qui écoutait les Malmsteen, Holdsworth et compagnie… Mais je me rends compte que finalement ce n’est pas du tout ce qui m’est resté rétrospectivement.
Je me rends compte que la musique correspond à des moments de ma vie bien précis. J’ai une relation à la musique qui est la même relation que celle qu’on peut avoir dans le fait de se mettre en immersion dans un bouquin et de se laisser transporter. Et quand je compose et quand je joue, c’est la même chose.
J’en ai rien à foutre qu’il y ait quelqu’un qui joue mieux ou moins bien, différemment, plus ceci, plus cela, moins ceci, moins cela.
Pour moi le plus important est ce qu’on peut raconter ensemble quand on joue ensemble. D’ailleurs je n’ai jamais eu de projets avec mon nom solo. Avec le Christophe Godin’s Dirty Blues Band, mon nom apparaît, mais comme je te l’ai dit, c’est vraiment un groupe. Ce qui m’a toujours intéressé est d’avoir un groupe où tout le monde compose, et où tout le monde amène sa couleur musicale, comme si tu écrivais un bouquin à plusieurs mains pour raconter une seule histoire.
J’ai une relation à la musique qui est la même relation que celle qu’on peut avoir dans le fait de se mettre en immersion dans un bouquin et de se laisser transporter.
Après, tu as la relation à la musique en tant qu’auditeur, en tant que musicien, en tant que compositeur quand tu n’as pas d’instrument dans les mains mais que la musique sort de toi… Ce sont trois pôles différents.
Quand tu la joues, il y a une relation physique qui est vachement agréable parce que c’est comme quand tu parles, c’est toi qui mets en mouvement la musique. Il y a une relation physique, il y a une relation à l’espace-temps qui est très particulière.
Quand tu composes, tu crées quelque chose dont tu ne sais pas véritablement comment ça va se transformer et passer l’épreuve du temps. La composition est le truc le plus impalpable et le plus difficile à expliquer parce que ça sort et tu ne sais jamais véritablement comment ça va finir.
Puis la relation d’auditeur, c’est la relation intrinsèque, c’est-à-dire la plus émotionnelle, ce que la musique te déclenche quand tu l’entends. Des fois tu n’as même pas besoin de l’analyser, tu te sens juste bien par exemple… C’est ce que j’ai avec Van Halen, AC DC, Pantera… J’écoute et je me sens bien. C’est ma musique de corps, naturelle.
Il y a des choses qui te font pleurer, des choses qui te font rire. J’ai une relation à la musique classique, je suis un fou de Debussy depuis que je suis tout petit, parce que Debussy me déclenche des trucs que rien d’autre ne me déclenche. Je peux fermer les yeux et c’est comme aller voir un film. Je me laisse embarquer, je n’ai pas à réfléchir et je fais un trip. Ça peut m’emmener dans des coins où je pleure, je ris, etc…
J’ai cette relation-là aussi peut-être avec toutes les choses qui ont marqué un peu ma vie. Comme je te l’ai dit avant, la musique est parfois aussi la bande-son de ta vie. Des fois je me replonge dans des choses qui m’ont marqué dans les années 70, 80, 90, parce qu’elles me rappellent des moments bien particuliers.
Qu’écoutes-tu comme musique en ce moment ?
Ce matin j’ai écouté du Esperanza Spalding. Comme je suis venu en voiture jusqu’ici, j’ai écouté les maquettes du nouveau Mörglbl. Là juste avant de faire l’interview, j’ai écouté Elvis Costello avec un big band de jazz… Ça dépend vraiment…
Bon, je sais que c’est toujours un peu effrayant de dire ça mais j’ai un Téra et 500 Gigas de musique dans mon ordinateur. Donc là je n’ai mis que 128 Gigas dans mon téléphone, ce qui est déjà pas mal. Je pioche, il y a du coup des choses que je découvre et des choses sur lesquelles je reste ancré depuis tout le temps pour les raisons expliquées avant tout simplement, pour ce qu’elles me déclenchent.
C’est comme quand tu lis une vieille bande dessinée ou un vieux bouquin par nostalgie et que tu replonges dans l’état d’esprit dans lequel tu étais. Ce que j’écoute peut être vraiment varié. Hier soir j’ai écouté du Sex Pistols par exemple.
Parmi les artistes et groupes actuels, qu’écoutes-tu ?
Qu’est-ce que j’ai découvert et qui me plaît vraiment ces dernier temps ? Ce n’est pas évident car en fait toute l’année on me nourrit de musique, mes élèves me font écouter beaucoup de choses… J’ai rien qui me vient dans l’immédiat…
Concernant les guitaristes ?
Je crois qu’on en avait déjà parlé, mais je n’écoute pas beaucoup de musique de guitare, ce n’est pas un truc qui m’intéresse beaucoup. Cela pour plusieurs raisons.
Jouer de la guitare et écouter de la guitare, pour moi ce sont deux choses bien différentes. Ce n’est pas parce qu’obligatoirement on est guitariste qu’on a envie d’écouter de la guitare, je dirais même que c’est presque le contraire pour moi.
Et puis je dois t’avouer que la musique de guitare ne me passionne pas, parce que souvent elle est écrite pour mettre en valeur la guitare, elle n’est pas écrite par la guitare ou autour de la guitare. Quand j’écoute certains albums, j’ai l’impression que les mecs ont bâclé le A et le B pour qu’on arrive sur le C qui est le solo de guitare et que là par contre il y ait un truc qui se passe, et ça, ça me gave un peu…
Il y a des guitaristes que j’aime beaucoup comme Scott Henderson… Ce sont des mecs qui, même quand ils ne jouent qu’une simple mélodie, ils font en sorte qu’elle soit toujours dans un contexte bien spécifique avec de beaux arrangements derrière.
Je suis plus intéressé par les guitaristes qui sont un peu architectes à la guitare, qui vont réussir à créer un univers par le son, par le placement rythmique, par le choix des accords, par la relation à la basse-batterie, à l’espace, tout ça, que par les guitaristes qui ont une technique incroyable mais qui finalement ne t’impressionnent que par la technique.
Il n’y a pas beaucoup de guitaristes qui me passionnent. Probablement parce que je ne suis pas plus que ça intéressé… Tu vois l’histoire de G3 c’est sûrement super, mais je me rends compte que quand je vois ces choses-là je m’ennuie vachement vite. C’est triste ! Je préfère aller au bar !
Il y a des guitaristes que j’aime beaucoup comme Scott Henderson… C’est des mecs qui même quand ils ne jouent qu’une simple mélodie, ils font en sorte qu’elle soit toujours dans un contexte bien spécifique avec de beaux arrangements derrière.
Ce que j’aime bien dans les discussions, c’est de pouvoir découvrir ou redécouvrir des artistes et groupes dont on ne parle plus trop. Je pense par exemple à Toy Matinee ou Harry Cody dont tu avais parlé… Peux-tu faire une petite liste d’artistes à découvrir ou redécouvrir ?
À découvrir (ou redécouvrir) absolument : Frank Marino, grand guitariste, on en jouera un morceau ce soir. Guitariste des années 70 avec Mahogany Rush, puis ensuite sous son nom. C’est le chaînon manquant si tu veux entre Hendrix et Van Halen, pour donner déjà une idée du gars.
Toy Matinee… Et au-delà de Toy Matinee, tout ce qu’a fait son compositeur, Kevin Gilbert. Il a un album solo qui s’appelle Giraffe qui est extraordinaire, totalement inconnu mais qui est génial.
En ce moment, j’écoute beaucoup aussi de Tom Scott, les vieux trucs de Tom Scott. C’était le mec qui a composé le thème original américain de Starsky et Hutch, la série… C’est années 70, pattes d’éléphant, funky… C’est un saxophoniste avec des grooves terribles.
À découvrir ou redécouvrir, c’est Average White Band. C’est un peu l’équivalent de Earth, Wind and Fire ou Tower of Power, en un peu moins connu mais en aussi groovy et excellent.
Je réécoute beaucoup de Kate Bush en ce moment. C’est connu, mais pas par tout le monde, et pas par les gens de mon style musical. Les 4 premiers albums de Kate Bush sont des merveilles. C’est extraordinaire.
Dans les vieilleries, tout ça c’est déjà pas mal ! Je peux citer aussi Elvis Costello car beaucoup de gens ne connaissent pas. Il a fait un super bel album avec un compositeur qui s’appelle Burt Bacharach.
Pour finir je te laisse carte blanche pour parler de la musique en général, sur un sujet dont tu veux parler en musique !
C’est vachement dur parce que la musique c’est mon métier et ma passion, c’est dur de parler de ça ! En fait, ce que j’aime bien souvent c’est avoir des conversations sur la musique avec des gens qui aiment la musique mais qui n’en jouent pas. Parce que je me rends compte que tu as une discussion beaucoup moins élitiste, beaucoup plus de fans, de passionnés.
Souvent les mélomanes ont une perception de la musique beaucoup plus sensible que les musiciens. Qu’on le veuille ou non quand on est musicien, et moi le premier, on a toujours une façon d’aborder la musique avec un filtre du mec qui connaît un peu… Et donc on passe parfois à côté de certaines choses que les gens passionnés de musique arrivent à te faire comprendre avec des mots beaucoup plus simples.
On a sûrement trop tendance à analyser la musique quand on est musicien…
Oui ! C’est un peu comme celui qui lirait un bouquin et qui vérifie qu’il n’y a pas de fautes d’orthographe… Ou les gens qui viennent aux concerts et qui regardent s’il y a des pains... Les pains ça ne me gêne pas en musique, en concert. Les premiers albums de Van Halen sont bourrés de pains partout, mais par contre ça joue à mort, à fond, ça joue comme si les mecs lâchaient les chevaux.
J’aime bien que la musique soit abordée par un biais beaucoup plus basique et liée à la relation émotionnelle à la musique, plutôt que par le biais de la technique. Ce qui peut sembler étonnant de la part de quelqu’un qu’on taxe souvent de guitariste technique. Moi je ne me vois pas comme un guitariste technique, je ne sais pas pourquoi, mais je ne me suis jamais vu comme ça. Après l’image qu’on a et ce qu’on ressent, c’est vachement difficile à expliquer le contraste qu’il peut y avoir entre les deux.
Si j’avais une chose à dire à propos de la musique, c’est que des fois c’est bien de l’aborder sans être savant, bien au contraire. Quand tu n’es pas savant, tu en retires beaucoup plus la moelle du truc, l’ADN du truc, que quand tu l’analyses où tu passes à côté des choses. Ecoutez de la musique sans vous poser de questions !
Flashback ! On revient au début de l’interview : est-ce qu’un CD du Dirty Blues Band pourrait se faire ?
Ah je pense ouais, tout à fait ! À partir du moment où on a composé des choses, je suis toujours un partisan du fait de laisser une trace. Après, est-ce que ça peut potentiellement intéresser des gens ? Il faut se poser la question une fois que c’est fait. On ne peut pas se poser la question en amont et décider de faire ou de ne pas faire en fonction de ça. Moi j’aime bien jouer avec ces mecs, donc il faut le faire.
Ok, hé bien merci !
Merci à Christophe Godin, au festival Guitare En Scène, et au Bureau de Lilith chargé des relations avec la presse.