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...en revenant d’Annecy 2024

Conversation avec un Indien

vendredi 18 octobre 2024 par Walter Maurel rédaction CC by-nc-sa

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Ceux qui m’ont déjà lu auront remarqué que je fonctionne beaucoup par « coup de cœur » au Festival d’Annecy. Et s’il y a eu des années sans, il y a aussi eu des années dilemmes, l’édition 2024 en fut une. Pour moi, cette année, le tenant du titre, c’était Sauvages (87min) - le nouveau film de Claude Barras qui sort en salle ce mercredi 16 Octobre 2024... Jusqu’à ma toute dernière séance du festival où il fut détrôné par celui qui remportait dans le même temps le Cristal du Long Métrage (voir Memoir of a Snail). Il n’empêche que « Sauvages » est un film jubilatoire au même titre que « Ma Vie de Courgette », son prédécesseur. À voir sans faute, l’un comme l’autre, si ce n’est déjà fait…

Qui n’a jamais entendu parler de Ma Vie de Courgette, ce premier film multi-primé de Claude Barras, adapté du roman de Gilles Paris « Autobiographie d’une Courgette », qui raconte l’histoire d’Icare, 9 ans, placé en orphelinat suite au décès de sa mère qui l’avait surnommé ainsi...

Difficile de trouver encore — et sans spoiler — quelque chose d’original à écrire à son sujet, après qu’il ait été mondialement reconnu et unanimement encensé par tous les critiques et toute la presse. Il n’y a qu’à le chercher sur internet pour s’en convaincre...

Je m’en tiendrai donc au principe éditorial de Rictus qui est d’apporter un point de vue spectateur. Le tour de force de Claude Barras a été de traiter d’un sujet des plus dramatiques - l’enfance maltraitée - du point de vue des concernés, et de faire dire l’insoutenable de façon simple à des grosses têtes soigneusement animées parlant comme les jeunes d’aujourd’hui un langage nourri de verlan et de nouvelles technologies. Et c’est lorsque, plongé dans le film, on se surprend tout à coup à verser une larme pour une figurine avec une tête de patate aux yeux globuleux qu’on doit bien reconnaitre que le cinéaste a réussi le plus improbable : donner réellement vie à ses personnages.

Claude Barras renouvelle cette prouesse avec son nouveau film : « Sauvages ». Cette fois, il traite du désastre de la déforestation menée par les exploitants agricoles producteurs d’huile de palme qui détruisent la forêt tropicale, massacrent la faune, et spolient les peuples autochtones de leurs terres ancestrales.

L’action se situe sur l’île de Bornéo en Malaisie. Kéria, une jeune indienne Penan scolarisée dans la plantation où travaille son père, assiste impuissante au massacre par la garde de la plantation d’une maman orang-outan dont elle récupère le bébé. Peu après surgissent de la jungle son oncle et son jeune cousin Sélaï dont il lui confie la garde, du fait des menaces qui pèsent sur son peuple. Peinant à s’intégrer, le jeune Sélaï s’enfuit avec le bébé orang-outan entrainant à leur poursuite la pauvre Kéria qui finit par se perdre dans la forêt… Ainsi démarre l’histoire qui va mener la jeune Kéria à la rencontre de ses origines, et la conduire à mettre à profit ses atouts pour alerter sur la situation de son peuple et contrecarrer les plans de l’exploitant…

Ici encore, on est surpris face à ce que Claude Barras ose faire dire et faire à ses marionnettes. C’est que, si ses figurines ont toutes de grosses têtes, le cinéaste a un vrai souci du réalisme quand il s’agit de leurs réparties et des comportements humains, un soin qui l’a poussé à partir s’immerger dans la forêt tropicale de Bornéo et vivre au sein d’une tribu indienne Penan pour en apprendre la langue, les usages, et en comprendre les dilemmes et les défis. Chose remarquable : les personnages Penan du film s’expriment tous dans leur langue d’origine, et aucune traduction n’en est faite sans que cela perturbe la compréhension, tant l’écriture du scénario et l’animation ont été pensées pour permettre de s’en passer.

La modélisation et l’animation de la forêt malaisienne sont également admirables dans le rendu de sa luxuriance, sa lumière et son acoustique. D’ailleurs, le film démarre sur un écran noir persistant quelques minutes, laissant entendre les bruits de la forêt enregistrés durant son expédition. Je suis récemment retourné le voir en avant-première dans une salle remplie à moitié d’enfants, et j’ai été épaté de constater combien ils étaient captivés du début à la fin. Une preuve de plus de la capacité du réalisateur à capter l’attention des plus jeunes tout en leur parlant de sujets graves et d’actualité.

La sortie du film s’accompagne d’une campagne de sensibilisation et d’action chapeautée entre autres par Greenpeace. Il faut vraiment lire le dossier de presse et le matériel pédagogique disponible sur le site du distributeur pour comprendre l’investissement auquel a donné lieu la réalisation de ce film et l’importance de sauver cette forêt dont 80% ont déjà été détruits par l’exploitation agricole. Il y aurait encore tant à dire mais le mieux est d’aller voir le film avant de creuser ce que le réalisateur lui-même explique dans son interview... « Tous les cris les S.O.S. »...

PS : le choix d’un tube Rockabilly des années ‘80 pour accompagner une scène se déroulant en pleine jungle m’avait paru un poil singulier pour ne pas dire incongru. Impossible cependant de croire à une faute de goût de la part du réalisateur... Après investigation, il apparait que l’auteur du titre est un certain Alan Vega, lequel était semble-t-il d’origine apache… Tapez « Conversation avec un Indien » pour en apprendre davantage…

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