> Mag > Musique > Hasna el Becharia, la rockeuse du désert nous fait oublier tous nos maux
Brin de Zinc, Barberaz
Ce mardi soir, le Brin de Zinc accueillait une artiste algérienne renommée et légendaire, Hasna el Becharia née en 1950, célèbre pour sa musique qui mélange les traditions du raï, du chaâbi et du gnawi. Elle est également connue pour son talent avec le guembri, un instrument de musique traditionnel gnawi. Originaire de Béchar, une ville située dans le sud-ouest de l’Algérie, Hasna el Becharia a gagné en popularité internationale grâce à ses performances dynamiques et à son style musical unique. Elle est considérée comme l’une des grandes figures de la scène musicale contemporaine en Algérie.
Nous avons eu beaucoup de chance d’assister à un concert de Hasna El Bacharia, une légende vivante de la musique Gnawa. Ce mardi soir, elle nous proposait une expérience sensorielle et mystique unique : L’assemblée aura écouté pendant plus de deux heures en tapant dans les mains, encourageant les cinq musiciens à entonner des complaintes sur un rythme puissant et envoûtant.
L’ambiance était festive et proche d’une fête de mariage ou d’un banquet, les sourires étaient sur tous les visages. Les instruments utilisés mélangeaient des éléments traditionnels de musique africaine subsaharienne avec des influences arabo-berbères (Bendir, Darbouka, karkabous …) et des instruments d’un groupe de Rock (Une batterie, basse et guitare). À tous ces sons, Hasna El Bachara mélangeait des touches de jazz ou de blues en jouant sur une guitare électrique Schecter Diamond series, marque californienne que The Cure utilise également.
Mais ce soir, elle ne jouera pas du guembri, instrument à trois cordes, ce luth traditionnel réservé aux hommes dont elle fut pourtant la première femme à en jouer.
Cette grande dame de 74 ans est assise devant la scène et observe de manière malicieuse le public qu’elle emmène dans un voyage hypnotique aux tons électriques, à sa façon, c’est une « Mâalem » qui va nous guider tout au long de cette fantastique soirée.
Car si elle est la fille d’un des maîtres du Diwan, issue d’un père marocain originaire d’Erfoud (au sud-est du Maroc) et d’une mère algérienne de Béchar, c’est une femme libre qui a appris la guitare en cachette de son géniteur. Dès 1972 avec ses amies, elle va créer son groupe de quatre musiciens. Elles ont d’abord joué dans les fêtes de mariage à Béchar pour la découvrir tardivement en France qu’en 1999 au Cabaret Sauvage, invitée dans le cadre du festival « Femmes d’Algérie ». Sa prestation musicale fut une vraie révélation pour le public. Forte de ses succès, elle est restée en France et a notamment participé en 2015 au fabuleux projet « « Lemma Becharia », » de Souad Asla, la rockeuse du désert, qui aura monté un orchestre transgénérationnel de 12 femmes recrutées dans sa région natale pour revisiter le répertoire de quatre styles de musique de la Saoura (ferda, djebbariate, diwan et hadra).
Au Brin de Zinc, le groupe et le public se sentent heureux ensemble avec une forte énergie et beaucoup d’amour partagé. Les spectateurs participent en dansant ou en chantant, ce qui crée une atmosphère de célébration collective. Les choristes chantent des textes religieux et profanes, c’est un moment sublime de complicité qui s’installe avec des émotions positives.
Le Brin de Zinc à Barberaz s’impose définitivement comme un lieu prisé et reconnu par les amateurs de musique vivante dans la région, en offrant une ambiance chaleureuse et conviviale pour profiter de la musique en direct.
Cette petite salle est aujourd’hui connue dans la région pour accueillir une variété incroyable de concerts et de spectacles, mettant en vedette des artistes locaux, nationaux et internationaux dans divers genres musicaux, tels que le rock, le jazz, le reggae, la chanson française, la noise, l’électroacoustique etc…
Ses coups de cœurs deviennent des incitations impossibles à refuser pour passer un bon moment entre amis avec une bière artisanale accompagné d’une planche de charcuterie. Le public fait confiance aveuglement à la grande qualité de la programmation et vient pour des artistes qu’il ne connaissait pas avant le concert.
« Je chante pour l’amour... »
Car il faut rappeler ici que les gnawas, dont fait partie Hasna El Bacharia, ont une culture riche et particulière. Ce sont des descendants d’esclaves noirs, ramenés de force au Maroc (et en Algérie) par des pillards Touaregs. Même s’ils sont officiellement convertis à l’Islam, ils n’en poursuivent pas moins leurs rituels où ils chantent et dansent pour chasser le mauvais esprit. D’ailleurs, à la fin du concert, l’un des musiciens, utilisera des karkabous, à double crotale sorte de castagnettes qui nous interpellent avec ce son qui rappelle leurs chaînes de prisonnier.
Leurs cérémonies sont également connues pour leur rôle dans la guérison spirituelle. Ils croient en l’existence de forces occultes qui peuvent causer des maladies et des déséquilibres dans la vie des gens, et utilisent la musique et la danse comme moyen de guérison et de purification. D’ailleurs, nous aurions tous eu envie d’en savoir plus sur cet héritage musical et spirituel, une choriste jouant du Bendir traditionnel a voulu répondre à notre curiosité en nous racontant une histoire d’ange… qui se termine de manière espiègle dans un mystère coquin dont nous ne connaîtrons jamais la fin !
Finalement, la soirée a été une magnifique expérience qui aura stimulé à la fois mes sens et mon esprit, offrant une exploration fascinante de la culture et de la tradition de l’Afrique du Nord… Une musique à (re)découvrir pour tous !
https://www.discogs.com/artist/971693-Hasna-El-Becharia
Djazair Johara (2001) – Label Bleu
Smaa Smaa (2009) – Il canto di Lilith – PH Music worx