Magazine culturel contributif en bassin franco-valdo-genevois

> Mag > Musique > Laibach, will you still love me tomorrow morning ?

Laibach, Docks de Lausanne

Laibach, will you still love me tomorrow morning ?

mercredi 1er mars 2023 par Lt. Felipe Caramelos rédaction , Tanja Matic photographie CC by-nc-sa

Laibach est un groupe de rock industriel et expérimental slovène, formé en 1980 et programmé de nouveau à Lausanne pour leur tournée Love is Still Alive. Le groupe est connu pour son approche conceptuelle et sa forte dimension visuelle, mêlant musique, art, politique et théâtre. Leur style unique a souvent été associé à l’esthétique industrielle et totalitaire, utilisant des symboles et des imageries provenant de l’histoire et de la propagande de l’Europe de l’Est.

Les concerts de Laibach sont caractérisés par des performances théâtrales et provocatrices qui utilisent des éléments de l’imagerie totalitaire pour créer une critique satirique de la société et de la politique contemporaines. Les idées qui y sont développées incluent la nature de l’autorité, de la manipulation, de la propagande et de la condition humaine, ainsi que des thèmes tels que l’histoire, l’idéologie, la religion et la culture. Les concerts de Laibach visent souvent à provoquer une réflexion critique chez le public sur ces sujets.

Ils ont également créé des bandes sonores pour des films et des pièces de théâtre, et ont travaillé sur des projets artistiques avec des musées et des galeries. Laibach est considéré comme l’un des groupes les plus influents de la scène industrielle européenne et a eu une influence significative sur d’autres groupes de musique expérimentale et artistique.

J’avais abandonné le groupe Laibach le 23 mai 1989 lors du concert au Transbordeur de Lyon dans le cadre de leur tournée Sympathy for the Devil. Ce que j’avais entendu était du son beaucoup trop « lourd » pour mes oreilles de l’époque, l’ambiance et les sujets tournaient autour de la non-communication, le son est-il une arme ? Finalement, j’avais trouvé que le public se laissait gentiment « manipuler » par l’esthétique autoritaire Nazifiant, et n’avait pas la réaction adéquate face à cette atmosphère chargée de symboles à prendre avec précaution.

En général, l’utilisation d’emblèmes associés au régime nazi ou communistes, tels que la croix gammée, la Svastika, la faucille et le marteau sont interdites dans de nombreux pays en raison de leur lien avec les crimes contre l’humanité commis pendant la Seconde Guerre mondiale et de leur association avec une idéologie non démocratique. Il existe certaines exceptions dans certains pays pour des utilisations spécifiques, telles que l’utilisation de symboles nazis à des fins éducatives ou de recherche, ou pour des utilisations artistiques, satiriques ou parodiques dans le cadre de la liberté d’expression. Cela dit, il est important de comprendre que l’utilisation de ces symboles de régimes totalitaires est souvent considérée comme offensante, choquante et blessante pour de nombreuses personnes, en particulier pour les survivants de l’Holocauste et leurs familles. Par conséquent, il me semble important de faire preuve de bon sens et de sensibilité lors de l’utilisation de tels symboles, même si cela est légalement autorisé.
Il convient donc de préciser que la provocation fait partie de Laibach et qu’elle n’est peut-être pas à prendre au sérieux dans le sens premier, car, comme l’écrit Hanley « Laibach seems too real to be real. »

Lors d’une interview, Ivan Novak, le scénographe des spectacles de Laibach, répondait à cette question difficile de complicité : « si nous avons accepté de jouer en 2015 en Corée du Nord, c’est que nous connaissions cette situation de pays totalitaire, nous en avons accepté les règles en modifiant certains éléments du concert ! et ce n’est pas toujours le cas dans les pays de l’occident où l’on voudrait nous dire que tout est libre alors que cela n’est pas vrai ! ». La tenue d’un concert de Laibach en Corée du Nord était une initiative conjointe de Laibach et du gouvernement nord-coréen. Les raisons précises derrière cette volonté ne sont pas claires, mais le concert a été présenté comme une occasion de promouvoir la compréhension culturelle et de renforcer les relations diplomatiques entre la Slovénie, pays d’origine de Laibach, et la Corée du Nord. Pour Laibach, le concert était également une occasion de réaliser un projet artistique unique et provocateur en utilisant l’imagerie totalitaire pour commenter la nature de l’autorité, de la manipulation et de la propagande dans un contexte politique très particulier.

Historiquement, concernant la compréhension de la nature humaine, Laibach a choisi de montrer la noirceur, certains artistes souhaitent recréer la vie, Laibach a choisi la mort. Les pulsions de mort sont souvent associées à des comportements autodestructeurs, tels que la dépression, l’automutilation ou le suicide, ainsi qu’à des comportements destructeurs envers les autres, tels que la violence, la cruauté ou le sadisme. Freud a également suggéré que les pulsions de mort peuvent être dirigées vers des objets externes, tels que des personnes ou des choses, dans des comportements destructeurs tels que la haine, la guerre ou le meurtre. Au festival Novi Rock à Ljubljana, la même année, le chanteur Tomaž Hostnik se présentait sur scène en uniforme militaire et, bien que gravement frappé en pleine figure par une bouteille, réussit à jouer jusqu’à la fin de sa prestation. Cependant, Hostnik accomplit un suicide rituel en décembre 1982 en se pendant à l’un des symboles nationaux slovènes, le kozolec (séchoir à foin), près de sa ville d’origine, Medvode. Laibach condamnera cet acte d’autolyse et limogera, à titre posthume, Hostnik du groupe. Par la suite, il apparaitra dans plusieurs projets du groupe comme l’Apologia… Depuis, il n’y a plus eu de nouvelle tentative de sacrifice ce qui est louable et appréciable pour les nerfs des fans.

Le 21 janvier 2023 aux Docks à Lausanne

Aujourd’hui, la première chose sur laquelle tu tombes en entrant dans une salle de spectacle, c’est la boutique, le merchandising. Autant dire qu’avec Laibach, on a le choix : Des badges très jolis à 9.9 € « Wir sind das volk » gold ou silver, Poster 24.9 €, bonnet 29.9 €, Tee-shirt 39.9 €, écharpe 54.9 €… Les inscriptions sur les tee-shirts expriment les slogans du groupe : « Ordnung, we forge the future, we believe in god but we don’t trust her, to the new light, Liberty leading the people, Think negative, Make Earth Great Again… »… Pour 500 euros, vous pouvez acquérir des « Lino Cut » 55x50 cm, signées avec un beau tampon ayant pour sujet de belles cimenteries et usines des Balkans. L’humour n’est pas absent avec une croix blanche à l’envers et une mention à l’intérieur « Reproductionprohibited », des slips pour femme avec « Raus » inscrit à la place du sexe alors que celui pour homme mentionne sobrement « Das spiel ist aus », un autre tee shirt montre des militaires avec l’inscription « We come in peace », une critique sur les interventions militaires dont la raison serait uniquement humanitaire ?

Et si Laibach n’était pas seulement un groupe de musiciens de rock industriel ?

Mais une grande compagnie dans laquelle des artistes produiraient dans l’ombre des œuvres recyclant les travaux de Beuys, Duchamp, Kiefer, Malevitch, des images folkloriques, religieuses … pendant que d’autres composeraient les musiques des futurs albums… Une vraie usine d’intelligence artificielle avant l’heure qui utiliserait tout ce qui est bon dans le cochon pour produire un art de création collective ! Finalement, je me retiens de critiquer car en repassant devant la jolie vendeuse, j’ai craqué pour un Tee shirt XXXL « Think negative » avec une belle croix blanche de Malevitch qui va bien avec mon nouveau cuir de blouson d’aviateur acheté aux puces à Lyon.

Bon arrêtons de parler « chiffons » pour dire quelques mots sur ce 1058e concert de Laibach, le 28e en Suisse. Pour commencer, « Love is still alive » ressemble à une musique pour interlude, genre bande sonore pour un western dans lequel le petit train passerait et repasserait le temps qu’il faut. « Love is Still Alive » n’est pas à proprement dit une reprise mais différentes interprétations jouées dans un univers sémantique propre au groupe avec la voix grave du chanteur toujours aussi traitée lourdement au vocoder. La nouveauté ? Un délire de déguisement de cow-boy sur scène de Milan qui pourrait nous rappeler un film de David Lynch. Mais malgré la bonne tenue des musiciens, je m’ennuie ferme sur ces 37 premières minutes d’autant qu’ensuite nous avons le droit à un intermezzo top chrono de 15 minutes avec de nouveau la sono qui nous rejoue … « Love is still Alive » !

À la reprise, le groupe interprète plusieurs morceaux dont les titres sont en allemand, les slovènes sont considérés comme les plus « allemands » des Balkans. L’utilisation de cette langue est une autre provocation de Laibach (nom traduit en allemand de la capitale slovène Ljubljana) pour ennuyer les communistes de l’époque. Il est difficile de rattacher Laibach à un mouvement politique d’extrême droite ou de gauche mais sur scènes ils sont ordonnés et disciplinés : Ils sont tous beaux ! habillés en noir et sont virils ! mais ça ne bouge pas trop sur la scène.

Laibach a beau montrer la barbarie dans toute son horreur et nous dire en fond d’écran « That is not a sign of great courage ! » et même nous encourager « You, who challenge » , il manque une part d’ironie, d’autodérision, de folie et leur gentille prestation n’évite pas une certaine lourdeur et monotonie. Même si la qualité du spectacle est tout à fait honnête, leur démarche de dénonciation des régimes totalitaires n’est pas sans risque pour un public non averti, et d’ailleurs Laibach a eu plusieurs fois le droit à une certaine époque à un accueil avec des saluts fascistes… Comme quoi même le diable est dans la bible si on ne sait pas la lire correctement ! Enfin, Laibach n’échappe pas à un statut de star de Rock et n’évite pas non plus le glissement progressif du plaisir vers une démarche commerciale critiquable.

Setlist :
1. Love is Still Alive I (Moon, Euphoria) 2. Love is Still Alive II (Venus, Libidine) 3. Love is Still Alive III (Mercury, Dopamine) 4. Love is Still Alive IV (Neptune, Oxytocin) 5. Love is Still Alive V (Uranus, Prolactin) 6. Love is Still Alive VI (Saturn, Insomnia) 7. Love is Still Alive VII (Jupiter, Tristitia)8. Love is Still Alive VIII (Mars, Dysphoria)
Intermezzo
9. Ordnung und Disziplin (Müller versus Brecht) 10. Ich bin der Engel der Verzweiflung 11. Das Nachtlied I 12. Als Geist 13. Glück Auf ! 14. Lepo – Krasno 15. Smrt za smrt 16. Krvava gruda - plodna zemlja 17. Ti, ki izzivaš
Rappel 1 : “Maybe we will be back, maybe we won’t” 18. The Future (Leonard Cohen cover) 19. Sympathy for the Devil (The Rolling Stones cover) 20. The Coming Race
Rappel 2 :
21. Getting Closer

Commenter cet article

Pour participer ici, vous devez vous connecter avec l’adresse mail de votre inscription sur Rictus.info.