> Mag > Musique > Les pingouins au brise-glace
Le trio de Manchester Gogo Penguin a embarqué le public du brise-glace d’Annecy en proposant une musique aux sonorités jazz, servi dans un formule rythmique tenant parfois autant de l’électro. Une formule qui a fait mouche face à un public venu nombreux.
Après une intro en accords suspendus, tenus par les seuls cuivres (trompette bouchée, saxo), une rythmique complexe s’installe, qui vient propulser le premier morceau et lance le concert. On peut penser à certaines périodes du band de Truffaz dans le son général, mais ce n’est évidemment qu’une image, pour situer.
La dynamique des morceaux est particulièrement bien maitrisée tout le long du set, parfois feutrée, parfois ouverte, avec des transitions fines. Les lumières rouges donnent l’impression d’un écrin de velours pour cette musique délicate. Sur le morceau « Anima », l’ambiance se fait feutrée, et les sons cristallins, pour une sensibilité à fleur de peau.
Le batteur fait « vivre » sa caisse claire d’une façon qui sert absolument le propos du groupe. Peu de regard échangés, chacun connaît sa partie. Le soliste flegmatique s’exprime principalement par un haussement de sourcil lors des moments forts.
Un morceau composé par le saxophoniste, « le maître et l’astre », semble un hommage appuyé à « Salted Peanuts » des maîtres du bop (Gillespie, Parker).
Une première partie tout en délicatesse, qui a paru courte, c’est bon signe.
Le groupe est attendu, c’est le moins qu’on puisse dire, la date a été complète assez tôt, preuve s’il en est que le groupe de Manchester a su trouver une formule, à la croisée de différents styles, qui parle à un public bien au-delà de la sphère jazz.
La partie commence par la diffusion de la première piste du nouvel album GoGo Penguin, mélange de sons d’ambiance (pluie sur un velux (?), chants d’oiseaux, enfants qui jouent) et d’un piano introspectif, lent, le temps que les musiciens se mettent en place.
Le début du concert pourrait ressembler à un accordage d’instruments, chacun semblant lancer quelque chose de son côté, avant de se rejoindre très vite dans une musique faite de nappes et de tricotages serrés de notes (« All Res »), sans qu’une mélodie émerge vraiment dans un premier temps. Le piano est traité d’une façon assez « métallique », mais le son évoluera tout au long du concert, tant le timbre est au centre du travail du groupe.
Les morceaux qui suivent démontrent que GoGo Penguin est une machine rythmique redoutable, les notes de piano typées électrique répondant aux glissando ronflants de la contrebasse, sur des rythmiques imparables de l’excellent Rob Turner.
Le jeu de tension/relâchement laisse le public captivé, sans cesse à l’affût de ce qui suit.
Le bassiste, après avoir utilisé une espèce de technique de slap sur sa contrebasse, prends la parole dans un français assez appliqué, pour exprimer la satisfaction du groupe de pouvoir enfin montrer sur scène cet album, qui leur tient visiblement à cœur, puisqu’ils lui ont donné le nom du groupe.
Chaque morceau est traité d’une façon différente, sur l’un les breaks de batteries sont encore plus heurtés et le pianiste se saisit d’un mini-synthé au son electro, sur un autre les sons se transforment au fil de la montée de la tension, sur « Wave Decay », le jeu de basse saute allègrement sur toute l’amplitude du manche.
Un autre morceau « The antidote » propose des accords de piano un peu en fausset, avec un gros travail de caisse claire.
Le bassiste Nick Blacka présente à nouveau les membres du groupe, y compris lui-même (faisant fi de cette fausse modestie convenue fréquemment rencontrée).
La batterie se lance alors dans de la polyrythmies (« Kora »(?)), tandis que la basse martèle plus lourdement.
Leur dernier single en date, sorti fin septembre et intitulé « Erased by Sunlight », présente un son plus acoustique, avec un piano plus naturel et des cross-stick jazzy qui constituent une transition naturelle vers le tube du groupe, « Hopopono », qui sera servi en bouquet final. C’est le morceau par lequel je les ai découverts, comme beaucoup de monde, je suppose. Ambiance de fin de concert avec montée stroboscopique des lumières.
En rappel, le bassiste utilise un petit clavier délivrant des sons de basses acides, avant de reprendre la grand-mère à pleins bras, pour prolonger encore un peu le plaisir.
C’était un fameux concert, à la fois accessible et prenant.