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Cinq sur neuf, ce n’est déjà pas une si mauvaise note. J’ai en effet vu cinq des neufs longs métrages en compétition à Annecy 2014. Et bien, il me semble que le film d’animation est chaque année en train d’affirmer sa place d’art majeur, avec une capacité à reconstituer ambiances et récits supérieure dans des bien des cas à la prise de vue réelle.
Décidément, le dessin et la réalité virtuelle offrent aux créateurs une grande liberté.
En quelques sortes d’une façon assez semblable à la bande dessinée.
Mais venons en aux faits.
lundi : Minuscule, la vallée des fourmis perdues. Ce film français de Philippe Delarue, Hélène Giraud et Thomas Szabo, sans commentaires ni dialogues, se situe dans la continuité d’une “tradition déjà ancienne (dixit Marcel Jean) de longs métrages français consacrés au monde des insectes“. L’affaire s’adresse plutôt aux enfants et joue de tous les codes des films d’aventure avec une maestria indiscutable. Pas besoin de mots donc. On est ici dans le pur vocabulaire de l’image — un peu comme dans certains films de Rainais, oserais-je dire. Et même si vous n’êtes pas intéressés par les tribulations d’une coccinelle et de sa copine la fourmi siffleuse, rien que pour cet implacable agencement de scènes, la projection vaut le déplacement.
Mardi : Saibi (The fake, c.à d. “la duperie“, ou “le mensonge“) Film Coréen du sud de Sang-Ho Yeon. Là, on est pas dans “le vert paradis des amours enfantines“.
Imaginez d’une part un escroc maffieux, sans aucun scrupule, qui engage un gentil prêtre catholique pour vendre des places pour un monde meilleur (une chapelle sur une colline), aux habitants d’une vallée en passe d’être noyée sous les eaux d’un barrage. Grosse ambiance de prêches et de ferveur dans l’église provisoire construite en toile.
Imaginez d’autre part un type violent, grossier, joueur, qui bat sa femme et vole l’argent que sa fille unique met de côté pour payer l’université. Imaginez que ce type est le seul dans toute la vallée à comprendre qu’il s’agit d’une escroquerie et qu’il crie la vérité.
Ajoutez une bonne dose de pessimisme concernant l’âme humaine, des scènes de violence avec pic à glace, homme de main, etc. ; un prêtre lâche et indécis. Ne donnez raison à personne dans un décors désolé d’avant apocalypse rendu par un graphisme simple et très ligne claire. Ça fait un thriller désespéré, beau et fort, et sans Mickey Rourke.
Mercredi : Lisa Limone ja Maroc Orange, Film estonnien/finlandais de Mait Laas. Le moins que je puisse dire est que je n’ai pas été convaincu par ce patchwork qui utilise l’apparence d’un film comique pour enfants et parle de la tragédie des boat peoples marocains (ici des oranges) tentant de rejoindre les côtes probablement espagnoles (peuplées de cruels citrons). J’ai trouvé ça caricatural et je n’ai pas compris où cela voulait en venir. Mais quelqu’un d’autre ici à bien aimé et je vous conseille donc d’aller le lire.
Jeudi : L’Île de Giovanni (Giovanni no Shima) Film japonais (studios IG) de Mizuo Nishikubo.
Fresque magnifique, non sur la guerre, mais sur la vison enfantine.
Une histoire toute en finesse, un épisode historique méconnu et parfaitement rendu, une vision de l’humanité sans aucun manichéisme et qui campe des personnages d’une très grande profondeur. Un graphisme, enfin, totalement au service du récit. Une parfaite réussite selon moi, et qui confirme la suprématie actuelle de l’animation japonaise ; et peut-être aussi par la même occasion la force du dessin face à la prise de vue réelle et aux acteurs. Un bon film sans Depardieu quoi ! C’est troublant.
Vendredi : Asphalt Watches. Film canadien de Shane Ehman et Seth Scriver. Pas grand chose à dire puisque je suis parti au bout de vingt minutes. Un “ovni“ dit le catalogue, et c’en est bien un. J’en ai tellement vu dans les années soixante dix des ovnis comme ça… je croyais que plus personne n’y croyait : erreur ! La moquette a encore fumé.
J’ai donc raté quatre films (L’Arte della Felicità - Italie, O Menino e o Mundo - Brésil, Last Hijack - divers pays et Cheatin’ de Bill Plympton - USA, image de l’article). Je ne pense pas avoir le temps d’aller les voir. Mais ce qui est sûr, c’est que depuis le temps que je fréquente les longs métrages du festival, ils me semble chaque année que la cuvée est meilleure que les années précédentes.