> Mag > Musique > Modernité des traditions avec le dzodzet Florian Favre
C’est un de ces heureux mélanges dont le festival Les Athénéennes a le secret : un pianiste de jazz qui revisite le folk suisse dans un temple genevois éclairé à la bougie.
Florian Favre apparaît sur la scène du temple de la Madeleine à Genève avec ses vachettes. Elles sont en bois, toutes mignonnes avec leur clarine autour du cou, et il les dispose un peu partout, entre des lumignons ou sur un haut-parleur (qui n’est que décoratif, le concert étant entièrement acoustique).
Le ton est donné : on va plonger dans les racines suisses, et plus précisément fribourgeoises, du pianiste, venu présenter des morceaux issus de son dernier album, Identitâ. Des racines bien vivantes, qui s’étendent aussi bien vers le jazz que le classique (on pense notamment à la musique de film) et dont la « substantifique moelle » sert de terreau à une création libre et contemporaine.
Les compositions de l’abbé Bovet et le Adyu mon bi Payi de l’abbé Kaelin, chantres de l’art choral fribourgeois et de la vie paysanne, ont ainsi inspiré à Florian non seulement des arrangements très modernes mais également des compositions personnelles (« Identitâ », « Don’t Burn the Witch », « Our Cowboy » et « Dzodzet ») qui illustrent la filiation entre ces traditions et son propre parcours musical.
L’album ayant vu le jour pendant le confinement de 2020, les morceaux ne comprennent que le piano et la voix de Florian — sans overdubs, s’il vous plaît — et, en live, le résultat est bluffant : outre son jeu clair et aérien, le pianiste utilise des préparations dont il est coutumier (on se souvient notamment de sa version de « Sunday Bloody Sunday ») : écharpe coincée dans les cordes, boîte de trombones et dictionnaire d’espagnol judicieusement placés tirent de l’instrument des sons de percussions et de caisse claire ou étouffent les notes, voire les rendent dissonantes, élargissant ainsi sa palette sonore, qu’il complète encore en chantonnant parfois façon Keith Jarrett, sans oublier le public, que Florian met notamment à contribution sur son « Don’t Burn the Witch ».
Un concert solo donc, mais d’une amplitude chorale, ponctué d’interventions tantôt instructives (présentation d’extrait des versions traditionnelles des morceaux interprétés) tantôt hilarantes de Florian entre les morceaux, qui séduit complètement le public averti des Athénéennes et se termine en apothéose par… un slam !
On attend par conséquent avec impatience les prochains avatars de ce beau et sincère projet, Florian ayant annoncé son intention de le confronter à des instruments et des cultures d’autres horizons, notamment plus au Sud ou plus à l’Est, pour continuer à montrer que les racines peuvent se combiner et s’enrichir mutuellement pour faire fleurir de nouvelles formes musicales.
Les commentaires de cet article
# Le 18 août 2022 à 10:45, par Tom Rad-Yaute En réponse à : Modernité des traditions avec le dzodzet Florian Favre
Chouette article. Ca donne envie d’en savoir plus !