> Mag > Musique > Praed, l’autre intelligent dance music
Kaf afrit , le dernier album du duo libanais, croise musique populaire arabe et approches expérimentales tous azimuts dans un ensemble vibrant et extatique.
Vous le saviez peut-être, ou pas, mais il existe tout un courant de musiques aventureuses croisant inspirations orientales et approches expérimentales, auquel la salle genevoise Cave 12 ouvre d’ailleurs régulièrement ses portes (voir encadré). Paed Conca et Raed Yassin sont deux activistes de cette scène au Liban, cumulant de nombreux projets et collaborations mais également l’organisation de festivals et la gestion de labels spécialisés, et Praed, le duo qu’ils forment ensemble est l’une des figures de cette mouvance. Le groupe existe depuis 2006 et Kaf afrit, paru en avril 2023 sur le label français Akuphone est au moins son 6e album.
La couverture du disque est signée Raphaelle Macaron et ses lignes claires, ses tons flashy et tranchés font singulièrement écho à la musique colorée et tonitruante du duo. Car dans chacune des six pièces – longues, sinueuses, très construites – qui composent l’album, le rythme règne sans partage. Souvent joué à la darbouka doublée de beats électroniques et de grosses basses pour deux fois plus de plaisir et d’efficacité, c’est celui du shaabi, une musique populaire jouée du Maroc à l’Egypte. Les motifs mélodiques ondulants et frénétiques typiques de ce style, parfois coupés en ligne droite par les synthétiseurs, sont répétés jusqu’à la transe. Cette veine mélodique, assez dissonante aux oreilles occidentales, le duo la travaille, la déterritorialise, la confronte aux sonorités synthétiques de la dance music européenne, l’irrigue d’accents psychédéliques, l’aiguise de stridences free. Au milieu des superpositions affolantes de lignes mélodiques multiples, la clarinette de Praed Conca se fraye un chemin, zigzague entre les intervalles, prend des accents extatiques à la David Krakauer.
C’est strident et urgent comme une sirène, obsédant et trouble comme un songe, comme la nuit, et c’est à découvrir sans tarder si vous avez les oreilles grand ouvertes. Au bout de l’écoute, c’est la communion du corps et de l’esprit dans une forme d’extase. Certains disent qu’elle est sacrée.
Le 27 janvier, dans le cadre de sa « Nuit électroacoustique », l’ensemble Contrechamps invitera Praed, comme il l’avait fait avec Massicot, pour un concert spécial autour d’une musique composée pour cette occasion. Le duo sera enrichi du cor de Charles Pierron et du tuba de Serge Bonvalot. Chaudement recommandé ! Attention le concert commence à minuit après une première partie aux 6 Toits.
Plus d’informations sur le site de Cave 12 et et programme complet sur celui de Contrechamps.
Praed, Kaf afrit (Akuphone, 2023).