> Mag > Musique > Kaki King, reine de la guitare
La guitariste américaine Kaki King a une carrière déjà bien remplie, et c’est loin d’être fini car elle est toujours dans une quête de créativité musicale avancée. Quelques heures avant son concert pour le festival Antigel, elle a parlé de musique, guitare, projets, et de bien d’autres choses.
Quand as-tu commencé à faire de la musique ? Pourquoi as-tu choisi la guitare ?
J’ai commencé la guitare quand j’avais 4 ans. Je n’ai pas vraiment choisi la guitare, ce sont mes parents qui ont fait ce choix. Mais j’aimais beaucoup la musique, j’ai découvert beaucoup de choses par moi-même. Mes parents, et en particulier mon père, avaient de très bons goûts musicaux. J’ai voulu jouer de la batterie, et j’en ai joué pendant longtemps. Mais j’ai toujours joué de la guitare, et c’est la chose pour laquelle je suis la plus douée.
Quelles sont tes influences musicales et artistiques ?
Question suivante…
Comment peux-tu définir ton style de musique ? Ton style est-il unique ?
Je pense que beaucoup de gens pensent que mon style est unique. Mais en fait, je suis dans la lignée de quelques guitaristes très spécifiques, avec notamment John Fahey au départ dans les années 50 et 60. Ce type de guitaristes qui ont développé le fingerstyle et l’utilisation d’autres accordages ont ensuite influencé une nouvelle génération de guitaristes au début des années 80, qui étaient très proches de la musique New Age et le jeu à la guitare était phénoménal, c’est avec ça que j’ai grandi aussi.
Si je suis en dehors de ma zone de confort, je pense que je peux faire de meilleures choses musicalement.
Peut-être que pour pas mal de gens, j’ai pris des choses de ces guitaristes. Je pense qu’il est difficile d’inventer quelque chose de totalement nouveau. Mais quand j’écoute quelque chose qui me plaît, j’essaie de l’apprendre pour pouvoir le jouer. Et si je peux l’utiliser dans ma musique, je le fais. Par exemple prenons quelqu’un dont on peut aimer la musique comme Jimi Hendrix. Comment peut-on prendre quelques éléments de sa musique, comment peut-on s’en inspirer ? Pour mon jeu à la guitare, j’ai pris des choses de beaucoup de guitaristes aussi différents et variés que Michael Hedges, Chet Atkins, et d’autres encore…
Je suis une fille de la ville à la base, avec un certain côté sombre. Par la suite, je suis devenue plus sereine, apaisée, admirant la nature. Mais quand j’étais jeune, je voulais sortir tout ce côté sombre qui était en moi, et je pense que je l’ai fait à travers certains morceaux au début.
Que penses-tu de la place des femmes dans le monde de la guitare ? Car vous n’êtes pas si nombreuses…
Tu sais, je ne pense rien de spécial à propos de ça… Je pense juste que les femmes peuvent tout faire. Les femmes peuvent être de grandes guitaristes, de grandes musiciennes. La féminité ne signifie pas qu’on ne puisse pas faire ce qu’on veut.
Peux-tu nous parler de ton dernier album ?
Oui bien sûr. « Glow » est réellement un bon album pour moi. J’avais beaucoup tourné, donc beaucoup de concerts, de folie, de choses rock ’n’ roll.
Je ne voulais pas refaire cela dans ma musique, car je l’avais déjà fait avant. Donc il fallait voir ce que j’allais faire. Et j’ai commencé à jouer avec toutes ces guitares bizarres et étranges, j’ai pris différents types de banjos, une guitare harpe, un Weissenborn… Et divers instruments à cordes qui n’étaient pas forcément des guitares… J’ai fait une grande tournée ensuite. J’ai essayé de me retrouver en tant que guitariste encore, ce qui était étrange car j’ai été guitariste toute ma vie. Mais à ce moment particulier, je me suis demandé « Qu’est-ce que je peux faire d’autre ? ». Je me demandais si j’allais faire la même chose indéfiniment. J’étais passée de la vingtaine à la trentaine, j’avais fait le tour du monde, j’avais tourné et joué aussi bien pour des évènements immenses que pour des petits concerts. Quelle était donc la suite ? Qu’est-ce que j’allais faire ?
« Glow » a été la réponse à cette question. C’est vraiment une très belle collection de morceaux de guitare qui vont bien ensemble. C’est grâce au fabuleux producteur de cet album, James Goodwin. Il m’a vraiment aidé à réaliser et optimiser le potentiel de mes morceaux, de mes chansons. J’aime cet album, et je pense que c’est certainement mon préféré, dans tout ce qui est solo de guitare d’abord, sans chant. Je le vois comme un album très personnel, et je pense que les gens peuvent s’en rendre compte.
Que peux-tu dire de ton projet qui mêle musique et arts visuels en se basant sur l’interactivité ?
Yeah ! C’est très nouveau pour moi ! C’est une chose que j’ai fait dans une position pas confortable, je suis sortie de ma zone de confort.
Ça s’appelle « projection mapping », et l’idée est simple car tout dépend de ce que je joue. Si l’image projetée est un arbre par exemple, je dois pouvoir couper des choses, jouer avec les lumières et les ombres, grâce à ce que je joue avec ma guitare. Le projecteur éclaire uniquement la guitare, et le grand écran derrière moi sur scène montre aussi ces images. Tu sais, je pense que c’était le temps pour un brainstorming. Avec la tournée pour « Glow », j’ai eu une année très chargée, je me suis mariée, j’ai fait beaucoup de concerts, j’ai beaucoup travaillé. Quelle serait la prochaine étape ?
J’ai eu quelques discussions, et pendant six mois on en a parlé en se demandant à quoi ça allait ressembler, avec une scène gigantesque, avec plein de guitares tournant autour… Il n’y a pas de honte à parler avec des gens pour faire ce genre de brainstorming…
Finalement, j’ai vu ce qu’était le mapping, et je me suis demandé comment j’allais l’utiliser pour la guitare. Fallait-il que je donne de la musique pour créer des images, ou qu’on me donne des images pour créer de la musique ? On a trouvé une solution en faisant un test, on a vu la guitare briller avec de belles images, et le décor derrière avec les images projetées était magnifique dans l’obscurité. C’était vraiment incroyable. La vidéo ne rend pas tout à fait le rendu de ce que ça donne en vrai, car c’était vraiment si beau !
C’est alors que j’ai écrit un script. Car ce n’est pas un show où je joue seulement de la guitare avec des lumières. En fait c’est comme un spectacle, un peu comme au théâtre. Ensuite, une fois le script réalisé, je me suis dit que ça allait vraiment être cher… On a lancé une souscription sur Kickstarter pour lever des fonds. C’est un peu comme du design sonore, ou de la bande sonore. Ça a été beaucoup de travail, très positif car j’ai appris tant de choses au passage. C’est un beau spectacle, je pense que les gens vont aimer, c’est scénarisé avec une histoire derrière tout ça, et je pourrai le jouer partout dans le monde. Peut-être ici aussi…
Quels sont tes projets pour le futur ? Encore d’autres nouvelles idées et nouveaux concepts ?
Le projet dont je viens de parler est déjà bien important, il me prend déjà du temps dans ma vie. Je n’ai pas beaucoup composé ces derniers temps, ce qui est nouveau pour moi. Je vais tourner avec le quartet à cordes Ethel, ils sont merveilleux.
Je suis en train de composer pour cela, de voir comment les violons fonctionnent, de voir comment on peut écrire pour les cordes, c’est un énorme challenge pour moi. On peut passer sa vie entière pour voir comme un hautbois fonctionne. Mais c’est vraiment amusant… Si je suis en dehors de ma zone de confort, je pense que je peux faire de meilleures choses musicalement.
Quelle est la guitare de tes rêves ?
Bien… Quelque chose de petit… J’ai l’habitude d’aimer les guitares, mais maintenant je cherche plutôt quelque chose qui est de petite taille… Quelque chose avec des roues et des fusées, qui se transporte facilement, avec lequel je pourrais tourner et entrer sur scène aisément…
Une guitare acoustique ou électrique ? Ou les deux à la fois ?
Je ne sais pas… J’ai beaucoup de guitares, je vais d’ailleurs essayer d’en réduire le nombre… C’est un peu comme le mélange parfait, comme la nourriture qu’on préfère… Les guitares, je les aime toutes… Elles sonnent toutes différemment pour moi…
Quelle est ta définition de la musique ?
Du son organisé.
Pour la dernière question, tu es libre de parler du sujet dont tu veux, que ce soit de la musique ou autre…
Oh ! C’est toujours la plus question la plus difficile ! Je fais ton job à ta place ! J’ai 34 ans, je vais être mère, ma compagne est enceinte. Je trouve que c’est assez dingue et bizarre d’avoir commencé à jouer jeune de la guitare dans le métro, d’avoir continué à jouer de la guitare, et de fonder une famille maintenant.
Parfois je me dis que c’est bien amusant mais que je dois peut-être faire quelque chose d’autre, enseigner, faire autre chose pour gagner plus d’argent… Je pense que la meilleure chose qu’on peut faire pour bien élever son enfant c’est de continuer à faire ce qu’on fait de mieux en fonction du meilleur de ses capacités.
Il est plus difficile d’être parent ou guitariste ?
C’est sûr, on peut avoir un job qui paie mieux. Mais je n’ai pas à me plaindre, je gagne ma vie grâce à la guitare depuis un bon moment déjà. Une dynamique de famille ne sera pas meilleure parce qu’on a plus ou moins d’argent. Ce sera merveilleux en mettant du cœur dans la vie, l’environnement autour d’un enfant est très important. L’argent et le succès ne sont pas les choses les plus importantes.
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