> Mag > Musique > Post-punk cubiste acidulé, signé Massicot
Rad-yaute
Ecouter de la musique, c’est une sorte de quête sans fin, un dialogue infini avec on ne sait trop quoi. Avec ses cycles, ses fins d’époques, fins de siècles, fins de règnes. Ses crises, ses envies de prendre le large, de voir d’autres paysages. Avec d’autres yeux.
La musique du trio genevois Massicot cultive justement - au sens où elle la jardine avec amour - une forme d’altérité, avec l’ambition affichée, chez ses plasticiennes passées à la musique, de peindre avec des sons. Rythmiques chaloupées, groove atone, mélodies enfantines, chant martial mais comme empreint de détachement sont les ingrédients d’un univers pétillant, poétique et machinique assez unique. On pourra y voir l’empreinte de courants multiples - pop, post-punk, no-wave - ou aussi bien faire abstraction des références et goûter l’identité singulière du groupe. Identité affirmée mais qui n’évite pas parfois une certaine forme d’aridité - terme qui revient assez régulièrement dans les chroniques.
Kratt est le 3e album des Suissesses, sorti il y a un peu plus d’un an, et les dix comptines désarticulées qui le composent ne laissent aucune place à l’ennui. Si chacune semble sortie du même tic-toc de métronome, chacune développe son propre propos, possède son élément perturbateur et sa vie propre. Vocalises lumineuses en pointillés de « A », le morceau d’ouverture, contrastes stridents ou tonitruants sur « Sulga Kungs » et « Kokteilis », défilés d’ambiances et de motifs sur « Kratt », qui se brouillent, se mélangent, ralentissent ou accélèrent comme dans un film expérimental de Norman McLaren. Post-punk ondulant à la Gang of four sur « Kubiks Rubiks » - le tube de l’album -, jusqu’à « Saule », longue plongée au ralenti vers le silence intérieur, porte de sortie énigmatique qui clôt magnifiquement le disque.
Avec sa production particulièrement réussie et ses contrastes sculptés aux pédales d’effets de plus en plus saisissants, cet album semble atteindre un point d’équilibre et constitue une excellente façon d’entrer dans le monde du post-punk cubiste acidulé façon Massicot.
After du festival Archipel
Une occasion de replonger dans le post_kraut_punk_tropical incisif_répétitif totalement irrésistible de ces trois boules d’énergies merveilleuses.