> Mag > Musique > Si vous aimez le rock et le jazz, vous aimerez Poppins… ou pas
Une sortie numérique de l’album The Norwegian Blue Parrot permet de (re)découvrir ce quatuor à fort caractère, dans lequel on retrouve quelques têtes chercheuses bien connues de la scène musicale suisse.
En activité de 2003 à 2009, le groupe comptait donc dans ses rangs des membres très actifs de la scène musicale de Genève et ses environs : Stéphane « Povitch » Ausburger à la guitare, actuellement membre de Mademoiselle plume rouge et Nelly Orlov’s Uncredited Pop Songs, Julian Israelian à la batterie, qu’on peut aussi entendre dans Lapsus Deluxe, le compositeur John Menoud au saxophone et Frédéric Minner, l’exception zurichoise, à la basse, qui est aussi le deuxième membre de Mademoiselle Plume Rouge. Une histoire de famille qui ne cesse de se décomposer et de se recomposer, en quelques sortes.
Poppins pratiquait une musique mouvementée, inspirée par le jazz et fortement charpentée, dont l’ossature – la batterie notamment – était franchement rock. Côté mélodie, c’est le versant free du jazz que convoquait le saxophone tonitruant, celui d’Ornette Coleman ou de John Zorn, auquel une guitare qui ne demande pas son reste donnait la réplique, dans des joutes épiques multipliant dérapages et croc-en-jambes rythmiques et harmoniques.
Eh oui ! C’est, une fois encore, de noise, de cris, de stridences et de crissements dont il est question et, à n’en pas douter, cette musique-là, pourtant très construite et fort bien exécutée, ne sera pas du goût de tout le monde. Le bruit et la fureur qui la traversent de part en part sont bien souvent une limite qui sépare et divise, tant elle est éloignée de toute harmonie et semble saccager ce qu’on attend et entend généralement par « musique ».
Mais d’autres perceptions sont possibles. Dans ce théâtre mouvementé et fracturé, on peut percevoir un humour paradoxal, une joie de sales gosses prenant un malin plaisir à raffiner leur raffut, à orchestrer savamment et à doser avec minutie les degrés de leur chaos. Dans cette insoumission aux harmonies convenues et inoffensives, on peut entendre l’écho des passions et des dissonances qui agitent et traversent le monde et chacun de nous. Et puis, accessoirement, si on veut bien prendre du recul, ce bruit-là, cette exploration des limites, c’est aussi celle qui traverse une bonne partie de la musique et de l’art du 20e siècle.
A réfléchir, donc, à découvrir et à goûter si l’on s’en sent l’envie, hier comme aujourd’hui !
Poppins, The Norwegian Blue Parrot, Off records (septembre 2023).