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Les rivages d’Aksarven

samedi 1er février 2025 par Tom Rad-Yaute rédaction CC by-nc-sa

Chronique

En juillet 2024, le trio Aksarven larguait les amarres et ouvrait grand ses voiles avec Drifiting from nowhere, premier album traversé par le souffle de la rencontre et de l’exploration.

Il avait fallu un peu de temps pour s’y faire. En s’alliant au pianiste Jorge Ribeiro et en inversant les lettres de leur nom, Pascal Reville et Jérémy Arminjon, les deux membres de Nevraska – dont les disques comptent parmi les plus marquants de la scène post-hardcore locale — faisaient plus qu’entamer une parenthèse en forme de side project. Ils levaient l’ancre et s’embarquaient pour un voyage à la destination inconnue, vers des rivages lointains, inexplorés, autres.

Ce n’est pas que le tandem basse-batterie ait perdu en puissance tout au long des huit titres qui composent ce premier album, enregistré au studio de Serge Morratel et sorti à l’été 2024. Au contraire, sur disque comme en concert, on retrouve le punch et la vélocité du duo, mais dans une version plus sobre — pédales d’effets et disto pas tout à fait remisées au placard mais ne faisant leur apparition qu’avec parcimonie – en dialogue constant avec le piano principalement joué en arpèges et, surtout, dans le cadre d’intentions bien plus mélodiques.

C’est ce dialogue, l’exploration de cette formule nouvelle et des possibilités qu’elle ouvre, qui constitue à la fois la matière première et le thème du disque. « On the move », « So far, so nice », « Driving down », autant de titres où le trio donne l’impression de se laisser aller à l’ivresse de la rencontre et de suivre ses intuitions mélodiques sans plus se poser trop de questions, le plaisir du jeu primant sur des considérations de composition ou de style. La musique prend alors la forme d’une sorte de jazz-rock charpenté, agile et hybride, rehaussé par la riche palette du piano — ici, une touche flamenco, là, des chromatismes d’inspiration classique — et par les contributions d’amis musiciens invités à participer à la fête — Elodie Cilente et son chanté-parlé à fleur de peau sur « Driving down » ou le saz distordu et hendrixien de Stéphane Cézard sur « Ondo ibili ».

Trois morceaux se démarquent et encadrent ce flux. « Wandering souls », d’abord, qui ouvre magistralement le disque sur un riff math-rock surtonique, mariage parfait d’une rythmique gonflée à bloc et d’une pluie de notes pointillistes, ponctué de breaks électrisants ultra efficaces. Puis, le disque approchant de la fin, c’est « The less you act » qui créé la surprise en bifurquant à mi-parcours vers un riff et des choeurs accrocheurs et étonnants, presque enfantins, chantés à gorge déployée. Enfin, le disque se referme sur le bien nommé « Trembling lights » : une introduction assez minimaliste mais dynamique laisse place à un tableau final où le piano, magnifique et hébété, répète la même série de notes comme sous l’effet d’un choc tandis que le saxophone extatique de Jérôme Ceccaldi monte lentement et embrase ce paysage crépusculaire.

Une fin ouverte, énigmatique, comme la voie aventureuse que le trio s’est choisie, et qui donne très envie d’embarquer avec eux pour connaître la suite.

Aksarven, Drifitng from nowhere (Urgence disk, juillet 2024).

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